mercredi 30 avril 2008

1915, l'Allemagne et la Turquie contre l'Europe. Et en 2008?


En 2008, les Balkans sont encore et toujours la "clé" de la stabilité et de la paix en Europe. Et nos "amis" germaniques et du vatican sont encore occupés à y provoquer l'instabilité, pour parvenir à leurs buts hégémoniques respectifs. Comme ils n'ont plus la force militaire directe d'antan, ils utilisent des "intermédiaires"...


Punch, London, 1915


Numero, Turin, 1915

source des 3 images :
http://www.gutenberg.org/files/20521/20521-h/20521-h.htm

Hélas, pas beaucoup de changement aujourd'hui : l'Allemagne et le Vatican (qui a remplacé l'Italie dans ce rôle) sont toujours alliés objectifs contre l'Europe. Comme pendant les 1ère et 2ème guerres mondiales, ils font écraser la Serbie dans les Balkans, via leur allié Croate au nord et Albanais musulman au sud - ce dernier armé par la Turquie avec l'aide allemande (OTAN oblige).
Et l'Allemagne fait le forcing pour que la Turquie, à savoir l'Asie Mineure sous occupation musulmane, puisse être reprise au sein de la Communauté Européenne.
Et le vatican fomente des révolutions armées pour empêcher la renaissance de l'Europe "de l'Atlantique à l'Oural," l'Europe dont la Russie est un des constitutifs essentiels. Car la "révolution orange" en Ukraine ou les coups d'états successifs en Géorgie sont bel et bien l'oeuvre du vatican, dans sa guerre contre l'Europe qui ne veut plus s'y soumettre.
Et la Turquie est leur atout, leur arme fatale pour écraser les résistances.
Hélas aussi, ce faisant, c'est la politique des USA qui s'en trouve renforcée, toute intéressée qu'elle est à empêcher la renaissance de la grande Europe des nations, celle dont les souverains étaient cousins, parents, proches, et dont la richesse culturelle et sociale et humaine faisaient tant envie à l'étranger. Actuellement, hors de la richesse (toute relative) économique, nous ne faisons plus rêver..

L'Histoire ne repasse les plats que lorsqu'on oublie de tirer les leçons du passé.
Et lorsqu'on ne cesse de falsifier le passé, on perd la capacité à tirer les leçons.


dimanche 20 avril 2008

Serbie/Kosovo: l'Otan prépare un coup d'état militaire (Espritdecorps.ca)

http://www.ruvr.ru/main.php?lng=eng&q=25664&cid=67&p=14.04.2008



Troupes de la KFOR dans la province serbe du Kosovo

Les forces de l'OTAN ont préparé une dangereuse provocation contre les Serbes du Kosovo, rapporte Scott Taylor, le rédacteur en chef du magazine canadien "Esprit de corps," à l'occasion de son retour d'un voyage au Kosovo.

Dans une entrevue avec le quotidien allemand "Junge Welt," m. Taylor a cité un haut responsable de l'ONU qui a révélé que l'OTAN préparait une opération militaire pour prendre le contrôle du nord du Kosovo, où les Serbes forment la majeure partie de la population.


Scott Taylor

Ils planifient l'arrestation de tous les dirigeants, et, après avoir imposé la loi martiale, de rechercher les armes en fouillant toutes les maisons serbes. Vu qu'il est attendu que la Serbie résistera, l'OTAN prévoit de mener une opération militaire impliquant les contingents Ukrainiens et Polonais. L'OTAN espère que s'il survient des pertes humaines dans les rangs des troupes ukrainiennes et polonaises, l'attitude envers les Serbes se détériorera en Ukraine et Pologne. Nadezhda Arbatova, chef du département des Études Politiques Européennes à l'institut de l'Économie Mondiale et des Relations Internationales, comment les faits ainsi :

"Il est clair que l'OTAN entre dans une phase de provocation. Et je suis d'accord qu'il y a certaines forces qui préféreraient que la situation se développe selon ce scénario. Mais cela n'amènera qu'à une explosion de violence en Serbie et dans les autres régions de l'ancienne Yougoslavie. La communauté internationale devrait s'opposer à d'aussi dangereux plans."

Commentant son voyage au Kosovo, m. Taylor a écrit que malgré le fait que les séparatistes Albanais avaient proclamé l'indépendance du Kosovo, rien de la sorte ne s'y constatait. Des centaines de policiers de l'OTAN et de l'ONU patrouillent dans les rues. La province a une économie très pauvre, mais les Albanais reçoivent suffisamment d'argent de leurs rentes à l'étranger, et aussi des prospères trafic de drogue et de la prostitution, affaires qu'ils arrivent à traiter avec d'autres.

Dans la police albanaise, la corruption est rampante, et les actuels dirigeants du Kosovo sont d'anciens généraux de l'armée et chefs de guérilla notoires pour leurs crimes contre l'humanité. Bien que les États-Unis d'Amérique aient déjà produit quantité de drapeaux du "Kosovo indépendant," la province continue d'arborer le drapeau albanais. Il n'y a pas de contrôle à la frontière avec l'Albanie; la région est ouverte des deux côtés. M. Taylor dit que seule une personne stupide ne parviendrait pas à comprendre que la mise en application du projet de la "Grande Albanie" a commencé.

14 Avril 2008

Voice of Russia World Service



17 février 2008, Kosovo : pour un "pays" et un "peuple" qui n'a pas de fric, c'est pas étonnant, ça? Les "Kosovars" ont des drapeaux tous prêts à l'emploi, tous beaux, tous neufs (comme la pseudo "révolution orange" en Ukraine..). Avec couleurs européennes (sympas, les Américains qui l'ont conçu!). Qui n'a pas compris? Et à côté de ça, la Serbie, qui a plusieurs fois défendu aux cours des siècles l'Europe contre l'empire Ottoman paye à nouveau le prix fort de la lâcheté, le manque de vision et l'irresponsabilité de nos dirigeants. Et leur alignement sur une politique contraire aux intérêts de l'Europe des nations, l'Europe de l'Atlantique à l'Oural.

http://www.kosovojesrbija.fr/lotan-se-prepare-a-attaquer-les-serbes.html


b-i info: 3 avril 2008 - L'interview de Scott Taylor dans Glas Javnosti
L'OTAN prépare un blitzkrieg (guerre-éclair) au Kosovo qui lui permettra d'écraser la résistance serbe dans la région. Au cours des prochaines semaines, elle va provoquer une nouvelle agression, plus importante que celle du 17 mars dernier. Les limites autour de Kosovska Mitrovica seront fermées, les leaders serbes seront arrêtés, les Serbes seront désarmés et la ville sera remise aux Albanais du gouvernement. Etant donné que la frontière entre le Kosovo et l'Albanie n'existe pas, ce plan assurera définitivement la partie nord de la "Grande Albanie". Les leaders américains et albanais ont conclu un "deal" selon lequel les nouvelles frontières seront sécurisées par l'OTAN.

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Tout ce que j'ai vu au cours de ma dernière visite au Kosovo prouve que cet accord, que nous avons découvert dans les documents secrets de l'UNMIK, existe réellement, affirme Scott Taylor dans une interview à Glas Javnosti. Taylor est un reporter canadien qui suit la crise du Kosovo depuis des années et est l'auteur de plusieurs livres sur les Balkans. Il dit que rien de ce genre ne s'est produit auparavant. L'UNMIK et l'OTAN connaissent la vérité sur les souffrances des Serbes et la création de la Grande Albanie, mais ils entendent se conformer au diktat de l'Amérique.

J'ai rencontré cette fois-ci un grand nombre de gens de l'UNMIK, dit Taylor, qui savent la vérité et ont apprécié la situation. Ils transmettent leur opinion, mais leurs suggestions sont ignorées. Ils savent ce qui est réellement arrivé le 17 mars, et ils le dénoncent. Aujourd'hui ils voient qu'un nouveau plan existe et ils cherchent à faire savoir à d'autres ce qui les attend – peut-être pour apaiser leurs consciences. Voici ce qu'ils disent : ils ont été expulsés et les bâtiments des douanes ont été incendiés. Maintenant, ils sont revenus, et les troupes américaines et françaises sont en place pour fermer les barrières douanières. Ils vont utiliser la police de l'UNMIK, avec le consentement de la KFOR, pour arrêter les leaders serbes de façon à provoquer les Serbes. Leur but est de susciter une réaction – on se rappelle ce qui est arrivé la dernière fois, mais cette fois-ci ils veulent riposter avec plus de force. Pour cette action, ils vont se servir des troupes polonaises et ukrainiennes qui déclencheront une attaque militaire de Mitrovica. Le but est d'éliminer la direction serbe et d'organiser une provocation qui leur permettra de déclarer la "loi martiale" en isolant la partie serbe de Mitrovica et en désarmant les Serbes pendant que les limites de la ville seront fermées. Ensuite, on remettra Mitrovica au gouvernement.

Le plan de prise en main.

Le document de Galluci (le chef de l'UNMIK pour le secteur de Mitrovica) dit qu'il n'y a même pas eu un essai de permettre le retour de la police gouvernementale serbe : cela a été un problème mort-né. Les Occidentaux savaient que les Serbes s'y opposeraient, et c'est exactement le genre de provocation qu'ils recherchent, qui leur fournira le prétexte d'avoir recours à une force additionnelle. Ils sont venus à l'idée de faire appel aux Polonais et aux Ukrainiens parce que ces derniers ont manifesté de la sympathie pour les Serbes. Si les Serbes résistent, l'idée est que cela noircira l'image des Serbes en Pologne et en Ukraine. Ils ont concocté une stratégie qui les fera gagner sur tous les plans – elle laissera les Serbes sans chefs et sapera leur soutien international.

La proximité des élections serbes.

Les élections arrivent et le Kosovo est un problème important pour tous les intéressés. Si les Occidentaux résolvent le problème en enfermant Mitrovica, déploient les Albanais et maintiennent aux douanes les renforcements de la KFOR, aucun politicien serbe ne pourra gagner avec une campagne de combat contre l'OTAN. Les Serbes peuvent être autodestructeurs, mais pas à ce point-là. C'est pourquoi on veut en finir vite. Pénétrer les enclaves une à une est un long processus. Si on élimine Mitrovica, les enclaves sont finies : elles se dessècheront et disparaîtront.

Le "Wild West"

Au Kosovo, plus personne ne sait qui est responsable. L'UNMIK est pratiquement hors course, elle n'a plus de raison d'être parce que sa mission était d'assurer l'application de la résolution 1244, qui n'existe plus. La KFOR, dont la charge était de protéger l'ONU et la résolution 1244, s'est convertie en protectrice du Kosovo indépendant. Le soldat allemand de l'OTAN à qui j'ai parlé, qui en est à son troisième tour de service au Kosovo, dit que l'OTAN ne se retirera en sécurité du Kosovo que dans un minimum de dix ans, parce qu'on ne constate aucun progrès. Eulex a les hommes qu'il faut, mais veut que la région soit nettoyée avant d'en prendre le contrôle.

L'évolution de la situation.

Les élections serbes sont centrées sur le maintien du Kosovo en Serbie. Les Américains savent que si l'électorat serbe montre que le nationalisme est en bonne santé, enlever quelque chose à quelqu'un ne fait qu'exacerber sa détermination. Ils comptent donc sur la fenêtre dont ils disposent entre le jour des élections et juin ou septembre, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'un gouvernement soit formé assez fort pour assumer la situation à l'ONU. Ils ont tout l'été pour procéder au nettoyage. La Russie est une inconnue pour eux, parce que si elle réalise une opération comme celle de l'aéroport de Pristina, cela pourrait les éliminer de l'équation. On a à présent des pays qui ont reconnu l'indépendance, des pays qui ne l'ont pas reconnue et des pays qui hésitent encore. C'est un problème pour les Américains, les Allemands et les Britanniques, parce qu'ils sont en minorité dans le monde. Le monde musulman n'a pas accepté leur engagement au Kosovo. A côté de chaque drapeau kosovar, il y a un drapeau américain. Comment les Arabes, qui détestent tellement le "grand Satan", pourraient-ils accepter la création d'un satellite américain ? Les Albanais ne veulent pas se dissocier des Américains. Dans l'hôtel au milieu de Pristina figure une réplique de la statue de la liberté.

Le cerveau de l'opération.

L'homme derrière le nouveau plan est celui qui a inspiré le 17 mars. Le but de l'agression était de tester les Serbes, de façon à mieux mettre au point la stratégie de la prise finale de Mitrovica et l'écrasement de la résistance serbe dans toute la région.
Tout le monde a les yeux fixés sur le champ de bataille de Mitrovica, sur ce que les Serbes peuvent faire, s'ils vont se battre et jusqu'où ils iront, quelles ont leurs chances. L'OTAN, c'est-à-dire les Américains, mène le projet, mais Larry Wilson, de la police de l'UNMIK, est le chef de gang. Il était un assistant, puis responsable de l'opération ; maintenant il est le "boss". Le 17 mars était son plan, aujourd'hui il en a un nouveau. Pour prouver ce que je dis, j'ai un document de Galluci, qui décrit la vieille tactique du dénombrement des armes : on lance une petite attaque et on voit ou sont les fusils. On en tire un plan. Voilà comment on a provoqué les Serbes, on les a testés, et maintenant on sait combien ils ont mis de temps à réagir, combien il faut mettre de gens dans la rue et comment il faut procéder Et l'attaque est prévue pour les prochains jours ou les prochaines semaines.

La Grande Albanie.

Des preuves existent-elles que l'UNMIK et l'OTAN préparent activement et consciemment une Grande Albanie ? On en entend parler, mais tous les officiels de la planète se boucheront les oreilles et diront qu'il ne savent rien d'une Grande Albanie. Pourtant, quand on regarde autour de soi au Kosovo, on voit que tous les drapeaux sont albanais. Très peu représentent le Kosovo, et même dans ce cas, les drapeaux albanais à côté d'eux sont beaucoup plus grands. Ce qui se passe est évident. Les Albanais eux-mêmes n'ont jamais caché leurs intentions, et proclament leurs visées sur la Serbie du sud et la Macédoine. Leurs leaders ont passé des accords avec les Américains, et nos sources nous ont confirmé que Hashim Thaci, en compagnie du leadership régional comprenant Alija Ahmatija en Macédoine, a été convaincu dans une réunion de donner sa chance à l'OTAN. Ils ont convenu que les Albanais garderaient un profil bas et que l'OTAN prendrait le contrôle des frontières. Tout ce que j'ai vu au Kosovo le confirme, et montre le travail qu'a fait l'OTAN pour sa part de l'accord.
Mitrovica, et la chute de la province, sont les tests essentiels de la création de la Grande Albanie. J'espère qu'il n'y aura pas de victimes, mais il y aura sûrement une forte agression, parce qu'ils ne peuvent pas expulser les Serbes de Mitrovica sans les vaincre. Le test est important : si Mitrovica tombe, les enclaves tombent avec.
Selon ce que j'ai vu, la frontière sud du Kosovo est complètement ouverte. Je me suis rendu à un endroit où on pouvait la voir : la KFOR, qui devrait agir en police des frontières, se conduisait en régulateur de trafic, comme l'a dit en riant un chauffeur allemand. Il a dit que tous les véhicules passaient librement, la seule préoccupation étant d'éviter les bouchons.. Les routes sont largement ouvertes, et la drogue circule en toute liberté. Nous avons visité des villages gorani, Orchusa par exemple, ou nous n'avons trouvé aucune présence frontalière. Il n'y avait rien, ni tracé, ni barrière, juste un soldat allemand qui a montré d'un geste vague où devrait se trouver la ligne de démarcation.
Les Goranis sont loyaux à la Serbie. Ils reçoivent leurs pensions de Belgrade. Mais il est évident que le Kosovo et l'Albanie ne sont qu'un seul pays. Les Albanais d'Albanie non seulement complètent leur bétail en volant des vaches ou des chevaux au Kosovo mais, ce qui est très caractéristique, ils coupent librement du bois dans les forêts. Si le Kosovo considérait l'Albanie comme un pays voisin, il protégerait ses ressources, mais j'ai vu de mes yeux que les Albanais n'avaient aucun problème à se servir dans les forêts des Goranis et à exploiter la région, ce qui démontre qu'on est bien en Grande Albanie. L'OTAN sait ce qui se passe et affirme qu'elle a des véhicules qui peuvent escalader les flancs de collines et observer ceux qui volent assez bien pour voir la couleur de leurs yeux. On pourrait arrêter tout cela, m'a-t-on dit, mais personne ne veut le faire. L'OTAN en a les moyens, mais ne peut pas agir indépendamment du parlement kosovar, c'est-à-dire du leadership albanais. Tout le monde sait qu'il n'y a pas de frontières, mais personne ne veut les fermer. Nous avons toutes ces informations dans les documents secrets que nous avons reçus de nos sources de l'UNMIK.

La stratégie de la provocation

Les journaux albanais parlent de "volontaires" russes et albanais. Il n'y a pas de volontaires russes, mais l'OTAN a besoin de provocations pour prétexter son offensive, et c'est pourquoi on crie aux "indésirables" du côté albanais. Dans le passé, il y avait des extrémistes des deux côtés, et à mon avis les formations paramilitaires albanaises ont été créées pour s'opposer aux enclaves dans le cas où les Serbes de Mitrovica résisteraient. Mais je pense que cela desservirait la stratégie de l'OTAN et que le monde s'en apercevrait, si les médias disaient la vérité. L'OTAN va renouveler ce qui lui a réussi le 17 mars, quand un Ukrainien est mort et 63 hommes de l'OTAN ont été blessés. Ca, on l'a montré tout de suite, mais on n'a pas montré la violence contre les Serbes. Encore aujourd'hui, on se concentrera sur Mitrovica et les Serbes qui jettent des pierres.
Le 17 mars, les Occidentaux ont tâté l'opinion publique. Agresser les Serbes n'a pas touché beaucoup de monde, la sympathie allait entièrement aux soldats blessés de l'OTAN. Maintenant ils savent qu'ils peuvent recommencer.

La position russe

La Russie maintient avec force sa position que seulement 24 pays ont reconnu l'indépendance du Kosovo et que les autres ne l'ont pas fait. L'assemblée générale de l'ONU se tiendra en septembre, et si l'OTAN ne réussit pas à appliquer son plan d'ici-là, les Serbes auront une chance que reprennent les négociations sur la partition du Kosovo. Cela portera un coup à la position américaine si la Serbie propose une solution acceptable et démontre qu'elle paie toujours des pensions à des gens du Kosovo.




J.O. de Chine: et la population dans tout ça?

Rien que pour les journalistes et les internautes? Deux "corporations" qui ont les moyens techniques voire financiers de s'exprimer. Et le milliard deux cent million de Chinois qui ne sont ni l'un ni l'autre? Les camps de travail appelés "usines modernes" où les entreprises européennes et américaines ont délocalisé tout leur outil de production, à côté de ça, Germinal, c'est de la rigolade. Et pour développer tout ce système concentrationnaire à grande échelle, le gouvernement communiste chinois, dont nos dirigeants ne sont pas génés qu'il soit communiste tant que ça leur rapporte du fric, ce gouvernement a vidé le pays de ses ressources naturelles. Il n'y a pas d'accès à l'eau potable pour la plupart des Chinois, réduits à boire de l'eau polluée, à respirer de l'air pollué, à manger (quand ils peuvent) de la nourriture toxique. En quoi les journalistes et les internautes sont-ils les plus défavorisés?..

Et on a rasé la maison d'un paquet de Chinois pour installer ces stades en béton qui ne serviront qu'à ces jeux...



Des jeux qui n'ont plus le moindre rapport avec les JO de Grèce, ni même avec ceux de l'époque de Pierre de Coubertin. Ce n'est plus qu'une grande vitrine consumériste, où on joue à cache-cache-doppage avec les comités scientifiques priés de ne pas faire trop de zèle sinon verbalement et sous contrôle.
Bref, une fausse épopée sportive, et comme le Tour de France, une simple forme de publicité agressive pour vendre toujours plus...


source : http://www.top-logiciel.net/news-article.storyid-2042.htm

mardi 15 avril 2008

Carla Del Ponte et les Albanais du Kosovo: Un Serbe, ce sont des pièces détachées qui se vendent légalement?



La Russie veut des informations à propos du livre controversé de Del Ponte
(Russia wants details of del Ponte's controversial book)

Moscou, 9 avril 2008 : Le ministère Russe des Affaires Étrangères a demandé à La Haye de fournir les détails sur les crimes décrits dans le livre par l'ancien procureur en chef, Carla del Ponte, a déclaré le ministre.
Dans son livre appelé "La Traque : moi et les criminels de guerre," Carla del Ponte décrit des atrocités commises contre les Serbes du Kosovo et autres groupes ethniques, par l'Armée de Libération du Kosovo (UCK).
"Observant la liberté de ton au sujet de crimes concernant des civils, l'on pourrait penser que c'est destiné à adoucir la réaction au sein des cercles sociaux et politiques internationaux, face aux faits révélant le passé criminel de l'illégitime souveraineté du Kosovo," a dit le ministre mardi.
Le lundi, le ministère avait dénoncé un arrêté du Tribunal International pour l'ex-Yougoslavie prononcé la semaine dernière, qui avait vu l'ancien premier ministre du Kosovo acquitté pour les crimes de guerre commis durant le conflit entre le Kosovo et la Serbie en 1998-1999.
Ramush Haradinaj, 39 ans, ancien chef de la guérilla de l'UCK, accusé d'organisation de viols, meurtres et intimidation de milliers de Serbes et de Roms, fut déclaré "non-coupable" le 3 avril.
Dans une déclaration officielle, le ministère dit que le verdict "pose question sur l'impartialité et l'objectivité du TPI," et accuse la court de "doubles normes" dans leur traitement des conflits en ex-Yougoslavie.
Selon les affirmations soutenues dans le livre de mme del Ponte, Haradinaj a été impliqué dans la vente d'organes, découpés de prisonniers exécutés au Kosovo.
Elle affirme qu'il y avait des preuves suffisantes pour poursuivre les Albanais du Kosovo impliqués dans les crimes de guerre, mais que cela fut "étouffé" en se concentrant sur les "crimes commis par la Serbie."
Les affirmations ont provoqué une tempête en Serbie et dans la communauté internationale. Le président de l'Association des Familles de Serbes enlevés et disparus au Kosovo, Simo Spasic, a dit qu'il voulait faire poursuivre Carla del Ponte pour "avoir caché des crimes."
--- IANS



ITAR/TASS : Swiss authorities ban presentation of Del Ponte’s book “Hunt, Me and War Criminals” in Milan - 08.04.2008, 11.44
http://www.itar-tass.com/eng/level2.html?NewsID=12558914&PageNum=0




Le Soir : La mafia albanaise choisit la Belgique, Alain Lallemand, lundi 01 octobre 2007, 18:21:
http://www.lesoir.be/dossiers/le_monde_en_crises/article_552647.shtml




Kosovo: Mosca si appella a tribunale Aja dopo libro del ponte :
http://www.swissinfo.ch/ita/ricerca/Result.html?siteSect=882&ty=ti&sid=8949695



Tribune de Genève : Carla Del Ponte accuse des leaders kosovars d'être impliqués dans un trafic d'organes - ROME (AFP) - 14 avril 2008, 00H38
http://www.tdg.ch/pages/home/tribune_de_geneve/info_express/monde/detail_monde/(contenu)/216262




BALKANS: "Serbs' Organs Sold From Albania"
http://ipsnews.net/news.asp?idnews=41808


Par Vesna Peric Zimonjic

BELGRADE, 1er avril (IPS) – Le Tribunal pour les Crimes de Guerre en Serbie a ouvert officiellement une enquête pour les cas de centaines de Serbes qui ont disparu au Kosovo en 1998-1999. Les enquêtes ont été ordonnées après que des extraits d'un livre de l'ex-procureur en chef du TPI, Carla del Ponte, aient été publiés dans les médias locaux.
L'agence de presse indépendante Beta News a publié des extraits du livre de del Ponte, "La Traque, moi et les criminels de guerre," dans lequel elle affirme qu'au cours de ses investigations, elle a apprit que quelque 300 Serbes avaient été enlevés et tués pour alimenter un trafic d'organes en 1999. Les enlèvements seraient le fait d'Albanais du Kosovo.
"Nous vérifions l'information officieuse parlant de 2 camions remplis de Serbes prisonniers qui auraient quitté le Kosovo pour l'Albanie en 1999."
"L'information officieuse sur ce transfert et la possibilité que les personnes prisonnières aient été tuées afin que leurs organes puissent être vendus à des trafiquants internationaux provient des enquêteurs du tribunal de La Haye," a-t'il ajouté.
Neuf ans durant, et jusqu'en janvier de cette année-ci, Carla del Ponte a été procureur en chef du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie (TPI), basé à La Haye, fondé par l'ONU dans les années 1990. Au cours de son mandat, elle a poursuivit des dizaines de hauts placés ayant participé aux guerres qui ont causé plus de 100.000 morts.
Une des plus importantes tâches, ce fut la poursuite des crimes de guerres commis par les forces de sécurité Serbes contre les Albanais du Kosovo en 1998-1999. Plus de 5000 Albanais et 1300 Serbes sont toujours portés disparus suite à cette guerre, qui a éclaté lorsque les séparatistes Albanais ont déclenché une rébellion contre le pouvoir de Belgrade.
La violente réponse de la Serbie à la rébellion déclencha des attaques par l'OTAN en 1999, ce qui força Belgrade à arrêter la répression et à retirer ses troupes. Le Kosovo fut ensuite administré par l'ONU et l'OTAN, à partir de 1999. Il déclara son indépendance de la Serbie le mois dernier.
D'après les extraits du livre de del Ponte, qui se trouvera chez les libraires à partir du 3 avril, son équipe d'enquêteurs a été informée que quelque 300 Serbes avaient été tués pour alimenter le trafic d'organes, après avoir été transférés du Kosovo vers la petite ville de Burrel, à 91km au nord de Tirana, la capitale de l'Albanie.
Un local dans une "maison jaune" en dehors de la ville fut utilisé comme théâtre des opérations. Les organes furent extraits des jeunes gens, emportés vers l'aéroport de Tirana, et de là exportés vers l'étranger. Ces jeunes gens furent ensuite tués et secrètement enterrés, selon l'information qu'elle cite.
Del Ponte dit que son équipe a découvert la maison à Burrel en 2003, suite à un tuyau donné par des "journalistes fiables" et par l'administration ONU du Kosovo.
Mais malgré la découverte de traces de sang dans la maison, qui avait été repeinte en blanc entre-temps, de même que des restes de vieux matériel médical usagé (gaze, seringue, baxters de transfusion durcis dans la boue, bouteilles vides de divers médicaments dont des médicaments utilisés pour relaxation musculaire), "nous avons décidé que les preuves n'étaient pas suffisantes. Sans les corps ou de fortes évidences qui lieraient divers suspects aux crimes, toute possibilité de poursuivre les enquêtes était close pour le tribunal," écrit del Ponte.
"C'est écrasant pour nous de lire ceci à présent," dit à l'IPS le président de l'Alliance des Familles de Serbes disparus au Kosovo, Simo Spasic. L'Alliance représente les familles des quelques 1300 Serbes du Kosovo dont le sort est toujours inconnu depuis -1999. "D'un côté, cela tue tout espoir d'apprendre ce qui est advenu à nos bien-aimés; d'un autre côté, pourquoi a-t'elle attendu si longtemps pour parler de cette affaire-ci?"
D'après Spasic, il a rencontré del Ponte et son équipe d'enquêteurs en 2001, afin de plaider le dossier de l'Alliance. En 2004, il a reçu un appel du bureau du Procureur, avec pour seule information : "toutes les personnes que vous recherchez sont mortes."
"C'était aussi simple que ça, mais nous restions dans les limbes," dit Spasic. "Nous n'avons pas de preuve claire que les disparus sont morts, pas de corps, pas de restes de corps qui le prouveraient.. ce qui cause tant de douleur aux familles, c'est le fait que c'est seulement maintenant, dans le livre, qu'elle (del Ponte) parle, disant qu'elle a eu connaissance de la torture et de l'assassinat de Serbes, et du trafic d'organes. Notre dernier espoir pour apprendre le sort de disparus nous a à présent été enlevé."
A Pristina, capitale du Kosovo, les anciens rebelles Albanais et leurs groupes refusent d'accepter la moindre des affirmations de Carla del Ponte. L'ancien procureur en chef du TPI n'était pas disponible pour commenter les faits auprès des médias Serbes. Elle est à présent ambassadeur de Suisse en Argentine.
Bruno Vekaric, porte-parole du procureur pour les crimes de guerre en Serbie, dit que les cas d'enlèvements et de meurtres de Serbes avaient une autre dimension.
"Les affaires citées dans le livre de del Ponte n'ont pas seulement à voir avec des crimes de guerre," a dit Vekaric à la Radio 92, de Belgrade. "Si les affirmations sur le trafic d'organes sont véridiques, c'est un cas de crime organisé qui est trans-national et ne connaît pas de frontières. Ce serait un cas requérant une action internationale majeure."
Dans le cas des enlèvements présumés de Serbes du Kosovo, leurs transferts vers l'Albanie et leur assassinat, "il y a une longue route depuis les indices jusqu'à la preuve," ajoute-t'il. "La recherche que nous allons entreprendre va durer très, très longtemps."
L'enquête, dit-il, devrait être libre de sous-entendus politiques. Vekaric faisait référence à l'indignation que la publication d'extraits du livre de del Ponte a causé chez les Serbes du Kosovo. Dans une de leurs manifestations de la semaine, ils ont appelé Belgrade à rompre les relations diplomatiques avec l'Albanie. (END/2008)


Le livre de mme Del Ponte sur les crimes de guerres déclenche une tempête
article original : "Del Ponte war crimes book stirs up a storm" :
http://www.swissinfo.ch/eng/front/Del_Ponte_war_crimes_book_stirs_up_a_storm.html


9 Avril 2008, 17h43


Mme Del Ponte dit que son livre comporte un message de "grande confiance" dans la justice internationale (swissinfo)

Le film-info en italien :
http://www.swissinfo.ch/ita/multimedia/video/detail.html?siteSect=15045&ne_id=8952519&type=real

Suite à l'avertissement lancé par la Confédération Helvétique (= la Suisse), le livre de Carla del Ponte, ex-procureur en chef du Tribunal Pénal International (TPI) pour les crimes de guerre à La Haye, suscite la curiosité du public.
Carla del Ponte vient de publier un livre qui dérange chez Feltrinelli, éditeur à Milan [Italie]. Écrit en collaboration avec le journaliste américain Chuck Sudetic, "La caccia, io e i criminali di guerra" (La chasse – les criminels de guerre et moi), dont il n'existe encore aucune version française ni allemande, aurait dû être présenté par son auteur lundi au siège de Feltrinelli, et mardi à la librairie Melisa à Lugano (Suisse), qui vient de le mettre en vente.
Carla del Ponte, la Tessinoise la plus connue au monde, se trouvait vendredi dernier à Lugano. Invitée à l'inauguration d'une exposition sur les 100 ans du quartier "Lugano" de Buenos-Aires (Argentine), elle voulait en effet profiter de sa visite au Tessin pour promouvoir son livre à Lugano et à Milan.
Mais à Berne [gouvernement suisse], on a jugé cette promotion incompatible avec la fonction d'ambassadrice de Carla del Ponte, en poste à Buenos Aires.

"Un retour rapide à Buenos Aires"
"Nous attendions Carla del Ponte pour une séance d'autographes, constate une responsable de la librairie auprès de swissinfo, mais nous avons été informés du veto du ministère des Affaires étrangères (DFAE). Nous avons dû décevoir beaucoup de clients qui attendaient l'ex-procureur."
Même chose à Milan. Au siège de la maison d'édition Feltrinelli, l'attachée de presse explique: "La séance a été annulée sur ordre du gouvernement suisse (sic) et Mme del Ponte n'est pas du tout venue à Milan."
Et pour cause. Dans un fax au ton péremptoire, Martin Dahinden, chef de la Direction des ressources et du réseau extérieur du DFAE, a sommé son ambassadrice à Buenos Aires de renoncer à toute promotion de son livre car "il y a dans l'ouvrage des déclarations qui ne peuvent être faites en tant que représentante du gouvernement suisse."
Martin Dahinden ajoute: "La présentation de votre ouvrage n'est pas compatible avec votre fonction actuelle" et il conclut: "Nous vous remercions pour un retour rapide à Buenos Aires."
Mardi, aucun commentaire à chaud n'a pu être obtenu auprès de la Direction des ressources et du réseau extérieur du DFAE. Pas de réponse non plus à la question de savoir pourquoi une femme aussi connue et dérangeante que la Tessinoise a été choisie par la ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey pour représenter la Suisse en Argentine.

Explosion des ventes
Ceci dit, l'écho médiatique du du silence forcé imposé par le DFAE à mme Carla del Ponte a fait décoller les ventes du livre au Tessin et en Italie. A Milan, la maison Feltrinelli parle d'un véritable boom.
La photo en noir-blanc d'une Carla del Ponte qui fait la moue, les yeux levés au ciel, éclate sur une couverture noire, en-dessous d'un titre en rouge et blanc. C'est un livre que l'ancienne magistrate dédie à sa mère, Angela.
En 393 pages aux caractères serrés, l'ex-procureur du canton du Tessin [Suisse] et collègue du juge anti-mafia Giovanni Falcone, ex-procureur de la Confédération Helvétique et ex-procureur en chef du TPI de la Haye, raconte une "lutte sans trêve: celle d'une femme qui a défié les criminels de guerre, sans cesse aux prises avec les obstacles élevés par les pouvoirs internationaux."
En 9 ans, de 1999 à 2007, la magistrate a réussi à faire comparaître un grand nombre de personnages importants devant le tribunal. Elle a affronté le président de Serbie, Slobodan Milosevic, dont la mort soudaine l'a frustrée, elle a demandé des comptes au Premier ministre de la République de Krajina, Milan Babic, elle a regardé dans les yeux des généraux tortionnaires comme le commandant serbe "Arkan."

Karadzic et Mladic: le regret et l'échec
Mais Carla del Ponte a aussi avancé de lourdes accusations contre l'actuel Premier ministre de la nouvelle république du Kosovo, Hashim Taci – reconnu par Berne – et à qui elle a reproché son passé de chef des forces rebelles antiserbes.
Des accusations comme son implication dans un trafic international d'organes prélevés à des Serbes déportés et tués. "Affirmations" dont le DFAE s'est prudemment distancé.
Il reste, par-dessus tout, un regret à cette "chasseuse de serpents," comme elle se décrit elle-même dans les dernières pages de son livre, en rappelant son enfance dans le Valmaggia tessinois: celui de ne pas avoir pu livrer à la justice Rado Mladic et Radovan Karadzic, les sanguinaires dirigeants serbes de Bosnie, alors protégés par Belgrade.
Elle les cite avec 2 autres noms: "Les 4 dernières personnes sur les 161 incriminées par le TPI sont encore libres durant ces derniers jours des 8 ans passés à La Haye. La sensation de faillite se fait plus profonde alors que mon mandat touche à sa fin." Et elle déplore "ce sens de vide qui envahit l'âme après 8 ans de bataille et d'attente..."



Mme Carla Del Ponte, ex-procureur en chef du Tribunal Pénal International pour l'ancienne Yougoslavie (TPI), à Den Haag (La Haye, Pays-Bas).


(rappellons tout de même qu'elle a beaucoup bougé pour tenter de faire arrêter les criminels communistes Serbes, mais quand elle était en poste, pas grand chose contre les criminels Albanais du Kosovo et de Bosnie, et rien du tout contre les criminels de Croatie. Il est des réveils de conscience qui tardent à se déployer)

émeutes de la faim : ce n'est que le début (ONU)

Quand le prix du riz peut semer la zizanie
http://www.ledevoir.com/2008/04/09/184226.html
Édition du mercredi 09 avril 2008
L'augmentation du coût de la nourriture menace la stabilité mondiale, dit l'ONU

Dubaï -- L'augmentation récente du nombre d'émeutes alimentaires est un signe avant-coureur qu'une hausse du coût de la nourriture pourrait provoquer des troubles et menacer la stabilité mondiale, prévient l'Organisation des nations unies (ONU).
Ajouté aux effets néfastes des changements climatiques et à l'explosion des coûts du carburant, c'est une "tempête parfaite" qui se prépare pour une bonne partie de la population mondiale, a déclaré le sous-secrétaire général de l'ONU pour l'aide humanitaire et les secours d'urgence, John Holmes.
Il a fait ces commentaires après deux jours d'émeutes en Égypte, où le prix de plusieurs produits a doublé depuis un an. Des émeutes alimentaires violentes sont aussi toujours en cours en Haïti, où les Casques bleus ont dû utiliser des balles de caoutchouc pour disperser les manifestants qui s'étaient assemblés, hier, devant le palais présidentiel.
M. Holmes a déclaré que "le coût actuel des denrées est susceptible d'augmenter radicalement la fréquence et l'importance de l'insécurité alimentaire". Il a ensuite rappelé que le nombre moyen de catastrophes naturelles a doublé depuis 20 ans, et que le coût du diesel -- qui est utilisé pour transporter la nourriture -- ne cesse d'augmenter, deux facteurs qui contribuent à la hausse des prix des aliments.
De son côté, le directeur adjoint du Programme alimentaire mondial de l'ONU, John Powell, a demandé aux pays développés de faire plus pour aider les pays en voie de développement. Les pays aux prises avec des émeutes alimentaires ont besoin d'aide pour mettre en place des filets de sécurité sociaux, a-t-il dit.

Asie sous pression
L'Asie est également sous pression. La flambée des prix des denrées alimentaires, en particulier du riz, risque de coûter politiquement cher aux dirigeants asiatiques confrontés à une vague de contestation sociale, préviennent des experts. "Il va y avoir des troubles et les pays les plus pauvres en pâtiront beaucoup plus que les nations les plus riches comme la Malaisie ou Singapour", estime Ooi Kee Beng, de l'Institut d'études du Sud-Est asiatique à Singapour.
Le Bangladesh et les Philippines, deux grands importateurs de riz où les foyers pauvres dépensent en moyenne 70 % de leurs revenus en nourriture, ont été touchés de plein fouet. "[Au Bangladesh], l'explosion des prix constitue une vraie menace pour la survie du gouvernement intérimaire", note le politologue Ataur Rahmn. "Cela pourrait déclencher un fort mécontentement, des violences et des émeutes liées à l'explosion des prix des matières premières", dit-il.
Le chef de l'armée a récemment exhorté les habitants pauvres à consommer des pommes de terre afin de réduire la pression sur le marché du riz, dont le prix a doublé en un an. Aux Philippines, la tension est telle que l'armée a assigné des troupes à la distribution de riz dans les quartiers pauvres de Manille. Le secrétaire à la Justice, Raul Gonzalez, a parlé de "situation d'urgence".
Les prix du riz ont enregistré des hausses vertigineuses portés par la suspension annoncée des exportations de l'Inde (troisième exportateur mondial) et la dépendance de plusieurs pays importateurs.
L'Inde, confrontée elle-aussi à une forte inflation, a donc stoppé ses exportations de riz pour contenir les prix sur le marche local. Car la hausse des prix est une mauvaise nouvelle pour le gouvernement de centre-gauche conduit par le Parti du Congrès et élu en mai 2004 par les centaines de millions de pauvres les plus touchés par la flambée des prix des produits de première nécessité.
En Malaisie, la hausse générale des prix a déjà pénalisé la coalition gouvernementale au pouvoir lors des élections législatives début mars. En Indonésie, où une élection présidentielle se tient l'an prochain, le gouvernement a fourni des subventions pour l'huile de cuisson et promis des distributions de riz. Mais pour Hendri Saparini, économiste auprès du centre de réflexion Tim Indonesia Bangkit, il est improbable que ces distributions soient suffisantes. "Si aucune mesure n'est prise d'ici trois mois par le gouvernement, je redoute vraiment des troubles sociaux", dit-elle.
En Chine, le prix de la viande a augmenté de 60 % sur un an. "Il y a beaucoup de colère à cause de la hausse de prix", relève Jean-Pierre Cabestan de l'Université Baptist de Hong Kong. Au Vietnam, la croissance de plus de 8 % a un effet inflationniste pour les ménages, qui déboursent chaque jour un peu plus pour acheter des produits de base comme le riz. Les mouvements sociaux se sont multipliés ces dernières années dans le pays communiste et depuis plusieurs mois le phénomène est entretenu par la flambée des prix à la consommation. Au premier trimestre par rapport à la même période de 2007, le pays a enregistré une inflation de plus de 16 %.
Enfin, les troubles n'ont pas épargné la florissante cité-État de Singapour où une dizaine de personnes ont bravé l'interdiction de manifester pour protester contre la hausse des prix, selon des témoins.

Crises en Afrique
Depuis plusieurs mois, l'augmentation du prix des produits de première nécessité en Afrique affecte durement les populations, dont la grogne croissante contraint les gouvernements à adopter des mesures d'urgence qui pèsent lourdement sur leurs budgets. Lors d'une réunion le 2 avril à Addis Abeba, les ministres africains de l'Économie et des Finances ont averti de l'urgence de la situation, qui selon eux "présente une menace significative pour la croissance, la paix et la sécurité de l'Afrique".
Le riz, aliment de base dans de nombreux pays considéré comme une valeur étalon sur les marchés, a augmenté ces derniers mois de plus de 50 % en Côte d'Ivoire, de 50 % en Centrafrique, de 39 % au Cameroun, de 45 % au Sénégal, de 42 % en Mauritanie, et a atteint jusqu'à 300 % de hausse en Sierra Leone. La farine de blé et de maïs, l'huile de palme et d'arachide, le sucre ou le lait, également indispensables à la consommation quotidienne et souvent importés, ne sont pas épargnés par ces hausses.
Dans la foulée de la montée des prix pétroliers, les transports publics ont été durement affectés, compliquant d'autant plus la vie quotidienne des plus démunis.
"L'ensemble des pays africains est concerné par cette augmentation des prix en raison de l'effet conjugué de la hausse du pétrole au niveau mondial et de l'urbanisation accélérée des villes qui entraîne une explosion de la demande alimentaire", explique l'économiste sénégalais Moustapha Kassé.
Cette situation a inévitablement conduit à l'expression violente d'un ras-le-bol dans plusieurs pays. L'urgence, aggravée par de nombreux appels à la grève, a poussé de nombreux pays à adopter de coûteuses mesures provisoires.
Le Cameroun, le Sénégal, la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso ont notamment décidé de suspendre ou diminuer temporairement les droits de douanes et la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée) sur certains produits de grande consommation. D'autres, comme le Soudan, mettent en oeuvre des subventions pour certains produits de base.
Fin mars, l'Égypte a suspendu pour six mois ses exportations de riz. En Mauritanie, le gouvernement va injecter des denrées de première nécessité sur le marché via une société publique.
À long terme, experts et autorités politiques considèrent que l'unique voie de salut réside dans l'autosuffisance.




"Nous pourrions chercher ensemble un nouveau style de vie qui rendrait possible la subsistance de 8 milliards d'êtres humains que l'on estime devoir peupler la planète en 2000.
Sinon, aucun nombre de bombes atomiques ne pourra endiguer le raz-de-marée constitué par les milliards d'êtres humains qui partiront un jour de la partie méridionale et pauvre du monde, pour faire irruption dans les espaces relativement ouverts du riche hémisphère septentrional, en quête de survie."
Houari Boumédienne, président de la république islamique d'Algérie, mars 1974

"One day, millions of men will leave the Southern Hemisphere to go to the Northern Hemisphere. And they will not go there as friends. Because they will go there to conquer it. And they will conquer it with their sons. The wombs of our women will give us victory." -- Boumédienne, in a 1974 speech to the UN
source : http://en.wikipedia.org/wiki/Houari_Boum%C3%A9dienne
« Un jour, des millions d'hommes quitteront l'hémisphère sud pour aller dans l'hémisphère nord. Et ils n'iront pas là-bas en tant qu'amis. Parce qu'ils iront là-bas pour le conquérir. Et ils le conquerront en le peuplant de leurs fils. Le ventre de nos femmes nous donnera la victoire. »
Boumédienne, dans son discours à l'ONU en 1974

mardi 1 avril 2008

Enjeux géopolitiques et économiques au Kosovo (rapport Collectif pour la Paix au Kosovo-Métochie 10/2007)

Le Collectif Citoyen pour la Paix au Kosovo-Métochie a été créé pour défendre les Droits et Libertés individuelles de toutes les communautés de la province du Kosovo-Métochie. Le Collectif rassemble des citoyens de tous horizons qui désirent dénoncer les atteintes aux Libertés fondamentales au Kosovo-Métochie. Ce Collectif appelle à l’arrêt des actions terroristes perpétrées contre toutes les communautés du Kosovo-Métochie, principalement les Serbes, les Roms et les Goranis. Le Collectif appelle donc a la paix dans cette province et soutient le droit légitime de tous à vivre en sécurité.

Le Collectif a organisé une manifestation publique le 18 mars 2007 à Paris avec pour mot d'ordre officiel "Paix, Justice et Respect des Droits de l'Homme au Kosovo-Métochie". Il a aussi approché tous les candidats aux élections présidentielles et législatives françaises, qui ont reçu une lettre ouverte pour les alerter sur la question des Droits de l'Homme au Kosovo-Métochie.

La nécessité d’informer sur la réalité de la situation au Kosovo-Métochie nous a par la suite réunis afin de mener à bien une mission sur place en juillet 2007.

Cette mission visait à sensibiliser l’opinion publique sur la vie des communautés dans cette province. L’objectif principal de la mission était de rendre compte de la situation économique, sociale, humanitaire, éducative et culturelle de la province du Kosovo-Métochie, à travers des reportages, des articles et des comptes-rendus.

Ce rapport rend compte de notre conférence organisée le 10 octobre 2007 au Parlement Européen de Bruxelles, ainsi que des témoignages de responsables politiques et associatifs du Kosovo-Métochie.

Notre travail d’investigation est centré sur les communautés du Kosovo-Métochie, dont les droits fondamentaux sont bafoués par les Institutions provisoires de Pristina.

Nous comptons vivement sur votre sens de l’initiative pour diffuser le plus largement possible cet état des faits au Kosovo-Métochie.

Pour plus d’information sur nous et nos activités : www.collectif-kosovo.com


Le 10 octobre 2007, se tenait à Bruxelles une conférence intitulée "Multi-ethnisme, KFOR et MINUK au Kosovo".

Attaché à la souveraineté des Etats dans une Europe qui se "fédéralise" chaque jour un peu plus, le groupe Indépendance et Démocratie au Parlement européen, par l'intermédiaire de Patrick Louis et Paul-Marie Coûteaux, députés français, organisait cette conférence au sein même de l'institution.

Patrick Louis, député français du groupe, professeur à l'Université de Lyon III et ancien auditeur à l'IHEDN parrainait ce débat sur ce sujet d'une brûlante actualité. Trois intervenants, Alexis Troude, Ivana Bacvanski et Nedzmedin Neziri, chacun avec sa sensibilité, son histoire et ses compétences spécifiques, ont pu apporter un témoigne ainsi qu'une nécessaire analyse sur la vie quotidienne au Kosovo. L'objectif était de faire le point sur huit années de présence internationale dans la région, spécialement au regard de la condition des minorités ethniques (et religieuses).

Cet ouvrage propose une réflexion éclairée et de terrain sur la situation politique et humaine dans la province serbe. Avec pour objectif la paix pour cette région et ses habitants, le Collectif Citoyen pour la Paix au Kosovo-Métochie souhaite engager une véritable discussion de fonds sur une question d'importance majeure pour l'équilibre géopolitique des Balkans et de toute l'Europe.

"Les opinions contenues dans cet ouvrage n'engagent que leurs auteurs, pas le Parlement européen".


Groupe Indépendance et Démocratie

au Parlement européen

60, rue Wiertz 1047 Bruxelles

BELGIQUE



Sommaire




Préambule…………………………………………………………………………………4

Interventions au Parlement Européen………………………………………………..7

Les enjeux géopolitiques et économiques au Kosovo ………………………………..8

Etat de droit, justice et mafias au Kosovo …………………………………………….23

La catastrophe humanitaire des Roms du Kosovo-Métochie………………………..29

Témoignages ……………………………………………………………………………35

Nebojsa JOVIC Membre du « Conseil National Serbe de Mitrovica »

Président de l’ «Association des expulsés du Kosovo-Métochie »…………………36

Dusko DRAGOVIC

Président du syndicat des mineurs de Trepca………………………………………..49

Ljubinko TODOROVIC

Ombudsperson serbe du Kosovo-Métochie…………………………………………..56

Murselj HALILI

Président de l’ « Initiative Citoyenne des Goranis »………………………………….72

Negovan MAVRIC

Représentant de l’ « Association des familles de personnes

kidnappées et disparues » pour le secteur de Velika Hoca…………………………82

Publications……………………………………………………………………………...87

Bibliographie…………………………………………………………………………...106







Préambule


Sur le plan du droit international, la Province Autonome du Kosovo-Métochie fait partie intégrante de la République de Serbie depuis 1946. Une déclaration unilatérale d’indépendance de cette province serait d’une extrême gravité, car elle remettrait en cause le principe d’inviolabilité des frontières internationales, adopté lors des Accords d’Helsinki signés par tous les pays d’Europe en 1975. Le cas du Kosovo est en effet totalement différent de celui de la Slovénie, de la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine, de la Macédoine et du Monténégro, qui étaient toutes des Républiques faisant partie de la Fédération de Yougoslavie, disposant du droit de sécession au sein de cette Fédération. Leurs déclarations d’indépendance, après référendum populaire, ne remettaient pas en cause les frontières internationales. Au contraire, le Kosovo n’est qu’une simple province au sein de la République de Serbie, pays souverain et reconnu internationalement.

Les Etats-Unis d’Amérique ne cessent de soutenir ce processus d’éclatement pour affaiblir l’Europe, alors que la Russie soutient son allié serbe pour maintenir son statut de grande puissance, tout en menaçant d’appuyer les sécessions pro-russes en Ukraine ou en Géorgie. Quel est dans cet imbroglio sans précédent le jeu de l’Union Européenne ? Si son intention est de créer une Europe de micro-Etats non-viables, il y a tout lieu de craindre qu’elle ne se dirige alors vers un échec retentissant. Le triste exemple de l’indépendance récente du Monténégro est là pour le prouver : un an après la sécession, 54% de la population active est au



chômage, et des pans entiers de l’économie monténégrine sont tombés entre les mains d’oligarques russes.

En second lieu, les technocrates européens, dans leur projet idéologique d’élargissement tous azimuts, sans référendum populaire, sont persuadés que le Kosovo sera la fin des guerres yougoslaves.

Bien au contraire, la séparation du Kosovo de la Serbie provoquerait l’éclatement de cet Etat, avec les sécessions du Sandjak et de la Serbie du Sud. Pire encore, le Monténégro, la Bosnie et la Macédoine verraient des mouvements armés déjà existants enhardis dans leur volonté sécessionniste, fractionnant encore plus des Etats déjà fragiles.

Les dirigeants de l’UE ne voient pas, malheureusement, que la création d’un deuxième Etat albanais est annonciatrice de la fin des valeurs européennes : mainmise de la mafia, criminels de guerre en liberté, état de non-droit, purification ethnique. Le Kosovo est la plaque tournante de l’esclavage sexuel et du trafic de drogue en Europe : 80 % de l’héroïne consommée en Europe de l’ouest en provient. Plus de 18 000 plaintes déposées par les non-Albanais depuis 1999, pour agression, kidnapping et usurpation de propriété, n’ont pas été traitées. Entre 1999 et 2007, sur les 235 000 Serbes, Roms, Goranis et Turcs chassés du Kosovo après les accords de Kumanovo, seuls 12 000 ont pu revenir dans leurs foyers, 2 000 non-Albanais ont été assassinés et 2300 kidnappés.

Le Ministère de l’Education de Pristina a imposé en 2006 l’albanisation des cours dans le primaire, ce qui implique la suppression des cours dans les langues serbe, rom ou turque. A Pristina, plus aucun cours à l’Université ne se fait en serbe ou en


turc : les étudiants serbes sont allés se réfugier à Mitrovica, alors que les Turcs partent étudier en Bosnie ou en Turquie. Les noms de villes serbes, roms ou bochniaques sont systématiquement rebaptisés en albanais par les Institutions Provisoires de Pristina.

Enfin, sur les 80 000 Roms encore restés sur place, plusieurs milliers ont vu leurs noms rebaptisés en albanais, comme aux heures les plus sombres du XX° siècle.

Plus largement, à l’heure où tous les pays des Balkans occidentaux sont en train de négocier leur entrée dans l’UE, l’indépendance du Kosovo, largement soutenue par les USA, entraînerait une zone de tension permanente en Europe du sud-est. La Serbie étant le moteur de l’intégration européenne des Balkans occidentaux, si elle tourne le dos à l’intégration euro-atlantique après la séparation de 15% de son territoire, c’est à un arc de crise que devra faire face l’UE, avec pour conséquence un frein mis à l’intégration européenne de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro et de la Macédoine. La sécession kosovare amènerait inéluctablement une réaction en chaîne en Europe centrale et orientale : Albanais de Macédoine, Serbes de Bosnie, Hongrois de Roumanie (Transylvanie) ne tarderaient pas à prendre exemple sur les Albanais du Kosovo. Ce processus d’atomisation d’un Etat démocratique et membre fondateur de l’O.N.U. constituerait un grave précédent pour l’Europe tout entière. En effet, si le pouvoir albanais déjà fortement autonome de la Province du Kosovo se sépare de l’Etat serbe, les portes sont grandes ouvertes pour la sécession du Pays Basque et de la Catalogne, de la Flandre, de la Corse et de l’Ecosse de leurs nations respectives.




Interventions au Parlement Européen



Conférence du 10 octobre 2007

au Parlement européen à Bruxelles

à l’invitation du Groupe Indépendance et Démocratie

Intervenants : Nedzmedin NEZIRI, Patrick LOUIS, Ivana BACVANSKI, Alexis TROUDE























Bruxelles

10 octobre 2007

Les enjeux géopolitiques et économiques au Kosovo



Alexis TROUDE

Porte-parole du « Collectif pour la Paix au Kosovo-Métochie »

Chercheur à l’« Académie Internationale de Géopolitique »


1. Situation géopolitique



1. Un territoire riche en minerai

Situé dans une région de moyennes montagnes, à l'ouest des Balkans, le Kosovo est frontalier de la Macédoine, de l’Albanie, de la Serbie et du Monténégro. C’est un véritable carrefour entre la mer Adriatique, la mer Egée et la mer Noire. Le Kosovo-Métochie s'étend sur 10 887 km2 et est formé des plaines du Kosovo à l’est et des hauts plateaux de la Métochie à l’ouest. La Métochie s’appuie sur les massifs montagneux du Prokletije et de Šar Planina, lequel culmine à 2 640 m.

Le Kosovo est l'une des régions les plus riches d'Europe en charbon, mais aussi en plomb et en zinc. La réserve du bassin de Kopiliq est estimée à plus de 12 millions de tonnes, soit la 4° réserve mondiale de lignite : cela lui permet depuis 2004 d’exporter de l’électricité aux pays voisins de la Serbie. La mine de Trepča, avec ses 7,5 millions de tonnes de réserve de minerai, fournit du plomb, du zinc et du cuivre avec des teneurs exceptionnelles. On trouve également au Kosovo de l'argent, de l'or, du nickel, de la bauxite et du manganèse. Selon un rapport de la Banque mondiale de novembre 2007, la valeur des richesses du sous-sol kosovar sont évaluées à 13 milliards de dollars.


2- 21 nationalités touchées par le chômage

Le Kosovo-Métochie rassemble 1 956 000 habitants, qui se répartissent en 21 nationalités. Ses habitants sont majoritairement Albanais (86% selon le dernier recensement de 1991), mais il y a également 135 000 Serbes, 80 000 Roms, 60 000 Bochniaques et de nombreuses autres communautés comme les Turcs, les Egyptiens ou les Croates.

Cette population, dont la moitié a moins de 19 ans, est fortement touchée par le chômage : il concerne 60 % de la population active et est majoritairement de longue durée. En outre, 75 % des moins de 24 ans sont frappés par le chômage ; or dans une région qui connaît le plus haut taux de fécondité en Europe, cela présente des risques encore plus grands à l’avenir. Par ailleurs, 69 % des femmes ne travaillent pas, et la proportion est de 95% chez les citadines de moins de 24 ans.

3- Une province sous administration de l’ONU

Province autonome de la république de Serbie, le Kosovo-Métochie possède depuis 1968 une Assemblée provinciale et l’usage officiel de deux langues, le serbe et l’albanais. Depuis les accords de Kumanovo signés en juin 1999, la résolution 1244 de l’ONU fixe le statut de cette région. Le Kosovo-Métochie reste une province autonome à l’intérieur de la Serbie, mais sous administration internationale. La MINUK, ou Mission des Nations-Unies pour le Kosovo, administre cette province grâce à des préfets qu’elle a nommés : des hôpitaux à l’éducation en passant par la reconstruction économique, elle impose ses normes administratives aux autorités de Belgrade. Mais parallèlement à la MINUK, une administration municipale et provinciale albanaise gère les affaires locales ; depuis fin 2004, un transfert de compétences de la MINUK vers les Institutions provisoires de Pristina s’opère progressivement.


4- Une protection de l’OTAN inefficace

Sur le plan de la sécurité, la KFOR (Force de l’OTAN pour le Kosovo-Métochie), réunit 16 500 soldats répartis en 2007 en plusieurs contingents – cinq zones données chacune à une puissance. Au nord sont installées les forces françaises (Mitrovica), à l’ouest les forces italiennes (Djakovica), au centre les forces britanniques (Priština), au sud-ouest les Allemands (Prizren) et au sud-est les Américains (Gnjilane). Huit ans après l’installation de la KFOR et de la MINUK, quel est le bilan sur le plan sécuritaire ?

Force est de constater l’inefficacité de troupes militaires qui n’arrivent pas à accomplir la tâche de police qui leur est assignée. A MITROVICA-NORD, l’omniprésence des soldats de la KFOR pourrait faire croire à un danger permanent : terrasses de café occupées par des bataillons français dès le matin, patrouilles par groupes de trois de la KFOR allemande ou autrichienne dans les faubourgs les plus reculés, sans intérêt stratégique, déploiement de véhicules blindés aux carrefours importants. Malgré cet impressionnant déploiement de force, le chef de la MINUK à Mitrovica-Nord, Jaroslav Kozak, nous confie humblement qu’après huit ans de présence dans la ville il ne peut pas faire grand chose. Devant les trois tours multiethniques de la ville, placées côté serbe, le gendarme français, assisté de son acolyte pakistanais, avoue son inutilité : “On est là en quelque sorte pour le fun !’.

La conséquence de cette inefficacité de la présence internationale se fait ressentir sur le plan sécuritaire. Le 13 août 2003, des extrémistes albanais mitraillaient sans raison un groupe d’adolescents serbes se baignant aux abords du village de Gorazdevac, tuant les jeunes Ivan Jovanovic et Pantela Djakic. Or cela n’est qu’un exemple d’actes terroristes contre la population non-albanaise perpétrés depuis l’été 1999 sur tout le territoire du Kosovo : grenades lancées de nuit sur des maisons, attaques de convois sur les routes, kidnapping.

Entre le 17 et le 18 mars 2004, des émeutiers prennent pour cibles la communauté serbe dans toute la province et font 22 morts, 900 blessés et plusieurs centaines de maisons sont brûlées. Or cette véritable purification ethnique à l’égard des non-Albanais se poursuit en 2007. Le 5 novembre 2007, le directeur de l’ONG « Children’s joy » Zoran Maksimovic a reçu pour la troisième fois en deux mois des tirs de rafale sur sa maison. Les extrémistes albanais détruisent même les stations-essence possédées par des Serbes : le but est bien d’éradiquer toute présence non-albanaise. Il ne reste plus un Serbe à Gnjilane où ils étaient 8000 en 1999 ; ils sont 44 à Pristina, au lieu de 40 000 en 1999. Or ce nationalisme albanais exacerbé se fait aussi à l’encontre des autres communautés. Le leader des Slaves islamisés de la vallée de la Gora, Murselj Halili, a été sommé en 2004 de quitter dans la nuit son appartement par des hommes encagoulés. Le 1° septembre 2007, la tombe de Mourat, ce sultan turc qui avait été tué par le Serbe Milos Obilic lors de la Bataille du Kosovo, a été dynamitée par les extrémistes albanais..

2. Une situation sociale et économique très en-dessous des normes européennes



1- Une faillite économique

A- Investissements et efforts de la communauté internationale

Entre 1999 et 2007, quelque 3 milliards de dollars d'aide internationale a été attribuée au Kosovo. Le problème est que cette aide internationale s’est ralentie après 2002. Or le montant et le rythme des investissements privés est décevant. Depuis 2000, seuls 30 millions d’euros ont été investis dans l’économie du Kosovo. L’incertitude qui plane sur les politiques économiques, la lourdeur administrative et des différences régionales marquées par les autorités locales empêchent les investisseurs de s’impliquer davantage.


Mais ces investissements privés sont très bien ciblés. Les mines de zinc ont déjà un marché régional intéressant et un fort potentiel à l’exportation. Des pays acheteurs comme la Russie, l’Italie et l’Allemagne seraient déjà intéressés par un redémarrage des mines de magnésium et de nickel. Ces richesses minières qui intéressent au plus haut point les investisseurs étrangers ne sont pourtant pas toutes exploitées avec la même intensité. La privatisation à ce jour de 24 entreprises au Kosovo a été suspendue en 2004 car la « Kosovo Trust Agency » (KTA), chargée de ces opérations, permettait aux investisseurs de racheter des firmes sans prendre en charge les dettes contractées. De plus, il y a encore une confusion des rôles entre la KTA qui reste le véritable propriétaire des installations et le « Ministères des Finances et de l’Economie » des Institutions provisoires de Pristina, lequel accorde les fonds publics.

B- Obsolescence du secteur énergétique

Le secteur énergétique se trouve actuellement au Kosovo-Métochie dans une situation dramatique. Les deux centrales électriques de cette province ne peuvent à l’heure actuelle garantir la fourniture d’électricité aux 2 millions de Kosovars, ce qui provoque de nombreuses coupures quotidiennes : en 2003, 90 jours sur l’année en moyenne. Seule la centrale « Kosovo B » est en train d’être réhabilitée, avec un financement de l’UE. Ainsi, dans l’enclave serbe de Strpce, les habitants, rattachés à la centrale thermique du KEK contrôlée par les Albanais, doivent se débrouiller avec de l’électricité fournie trois fois une heure dans la journée. Le chauffage électrique a été remplacé ces dernières années par le chauffage au bois, mais cela n’a pas empêché certains immeubles d’être privés de chauffage l’hiver dernier. Enfin, l’industrie du bois et les complexes hôteliers de ce qui reste le plus beau domaine skiable de Serbie tournent au ralenti.



C- Un exemple d’échec industriel : le complexe minier de Trepca

Le complexe minier de Trepča est un bon exemple d’une structure au redémarrage lent, où des investisseurs peu scrupuleux pourraient profiter d’une situation sociale tendue. Dans les années 1970, c’était un des plus grands complexes miniers d’Europe. Sur 9500 ouvriers enregistrés en 2000, seuls 4000 reçoivent des salaires aujourd’hui, a fortiori de façon irrégulière. La situation est désolante : wagons de marchandises bloqués depuis 1999, chaudrons rongés par la rouille et bâtiments portant les stigmates d’affrontements à l’été 1999 entre les ouvriers et les soldats bengalis et pakistanais de l’ONU.

Dans l’attente d’un repreneur, pour maintenir une activité, le combinat s’est tourné depuis 2001 vers le recyclage de métaux usés, ce qui permet à plusieurs centaines d’ouvriers de maintenir la fiction d’un emploi – en fait un chômage technique payé 30 euros par mois. Le contraste est saisissant avec la présence dans les bureaux et sur le site industriel de dizaines d’ “experts” finlandais, allemands ou croates, en cravate et dossier à la main, payés 3 à 4.000 euros par mois pour donner des avis qui pour l’instant ne sont appliqués. Sans parler de la catastrophe écologique qui ne semble pas inquiéter la communauté internationale : 3000 tonnes au bas mot de lignite s’écoulant à la moindre pluie sur la Bistrica.

D- Postes et télécommunications coupées entre Serbie et Kosovo

Les services postaux, télégrammes et de reversement de pensions ne fonctionnent pas entre la Serbie centrale et le Kosovo. Aucun échange en devises ou aucune transaction bancaire ne peuvent se faire entre Kosovo et Serbie.

Il n’y a aucun contact entre les anciennes PTT de Serbie et les nouveaux PTK kosovars formés en 2001; par exemple, on ne peut d’un bureau de Pristina appeler Gracanica qui est à 3 km.

A Velika Hoca, pour maintenir l’artifice d’un Etat unique, les PTT du “Kosova” (terme albanais pour le Kosovo) ont installé un bureau de poste, mais où les appels téléphoniques vers la Serbie centrale passent par la Suisse et le courrier expédié de France arrive plus rapidement que de Belgrade.

2- Une situation sociale et culturelle préoccupante

36 % de la population vit sous le seuil de pauvreté (1,65 dollars par jour et par habitant) et le Kosovo a le taux de mortalité infantile le plus élevé d'Europe.

A- Transports : un système d’apartheid au cœur de l’Europe

Les autocars de la MINUK étaient utilisés jusqu’en janvier 2005 ; depuis, ce sont les autorités du Ministère des Transports des Institutions provisoires de Pristina qui s’en chargent. Des autocars kosovars traversent les enclaves, mais il est risqué de les emprunter et de voyager par ce moyen de transport, car il n’y a aucune mixité entre Albanais et non-Albanais. Certaines lignes privées serbes depuis 2000 vont de Gracanica à Belgrade ou bien de Strpce à Belgrade, mais sans le droit par exemple pour cette dernière de faire étape à la gare routière de Gnjilane.

Pristina-Gracanica : Il n’existe pas encore de ligne régulière publique entre Pristina et Gracanica. Il y a des transports publics organisés par la municipalité de Pristina pour les Albanais, mais pas pour les Serbes ni pour les minorités ethniques.

Velika Hoca-Orahovac : Cela fait des années que les viticulteurs serbes n’osent plus aller travailler dans les vignobles environnants car, en 2000 et 2001, trois d’entre eux ont été assassinés sur ces collines. Résultat, plus aucun Serbe ne va à pied jusqu’à Orahovac depuis cette date. Les camions de marchandises sont caillassés sur leur passage en venant de Pristina, alors que les convois de la KFOR ne les accompagnent plus depuis 2003.

B- Ecoles : une ségrégation de fait

Le Ministère de l’Education de Pristina a imposé l’albanisation des cours du primaire en 2006. A Sivinje/Shivinjan, le maire bochniaque a refusé l’albanisation de l’enseignement afin de maintenir la cohésion dans son village entre communautés bochniaque et serbe, parlant toutes deux le serbo-croate ; mais à Musnikovo/Mushnikovë, aucun cours ne se fait dans les langues non-albanaises (bochniaque ou serbo-croate).

Dans l’enseignement secondaire et supérieur aussi, un régime d’apartheid est pratiqué par les Institutions provisoires de Pristina. A Mlike, une école privée a été ouverte dans une ancienne villa, depuis que les autorités centrales ont interdit l’enseignement de l’histoire et de la culture des Goranis. L’enseignement n’y suit pas les programmes d’histoire dictés par Pristina, mais comme avant 1999, se fait autour du respect de la culture goranie. A l’université de Pristina, plus aucun cours ne se fait en serbe ou en turc : les étudiants serbes sont allés se réfugier à Mitrovica, alors que les Turcs partent étudier en Serbie centrale, en Bosnie ou en Turquie.

Une politique d’apartheid est ainsi pratiquée sur le plan culturel par les Institutions provisoires de Pristina. Les noms serbes, roms ou bochniaques sont systématiquement rebaptisés par les Institutions provisoires de Pristina. Ainsi Ferizaj pour le nom serbe d’Urosevac ou Skenderaj pour Srbica. Dragas, ville historique des Goranis reconnue pendant la période communiste, a été rebaptisée Sharri par les Albanais.

III- Les implications stratégiques du syndrome kosovar

1- Un jeu d’intérêts complexe


A- Concurrence entre les bases américaines et les alliés de l’UE

L’UE a intégré la Slovénie dans son giron en 2004, et depuis trois ans l’armée slovène est restructurée selon les critères euro-atlantiques. En FYROM (ex- République Yougoslave de Macédoine), l’UE dispose d’une force militaire de 3000 hommes depuis 2001. Cette timide et graduelle présence de l’UE est contrebalancée par une forte implantation dans les Balkans de bases militaires américaines. Depuis 1999, la stratégie du gouvernement américain est de transférer dans les Balkans l’essentiel de ses forces afin de mieux pouvoir s’orienter vers le Moyen-Orient. Dans ce marché très clair avec ses alliés balkaniques, les USA encerclent les pays récalcitrants à leur politique impériale, comme la Serbie. Au moment même des bombardements de mars 1999 sur la Serbie, les USA inauguraient la base de Szegedin à la frontière Hongrie/Serbie. En Bulgarie, deux bases ont été construites par l’armée américaine depuis 2001, et une troisième est en négociation. Mais encore plus caractéristique, pas moins de quatre bases US ont été implantées sur le territoire de la Roumanie en cinq ans (2002-2007), dont deux sur le verrou de Constantza (interface Rhin/Main/Danube et Mer Noire). Sans oublier le véritable camp retranché qui est durablement installé à Tuzla 12 ans après la fin de la guerre en Bosnie-Herzégovine.

Base de Bondsteel à l’intersection des axes d’influence USA/Russie/Monde musulman

La base principale de l’armée américaine dans les Balkans est située près d’Urosevac, dans le secteur Est du Kosovo. Construite à partir de 1999, elle couvre 750 hectares, et peut abriter jusqu’à 7000 soldats. Elle est constituée de 300 bâtiments en dur, 25 km de routes asphaltées, 52 pistes d’envol, 55 hélicoptères (12 Apaches) ; elle est défendue par un mur d’enceinte en ciment de 14 kilomètres de long et de 6 mètres de hauteur.


La base de Bondsteel est l’exemple même du complexe militaro-industriel américain. Construite par la société privée « BROWN and ROOTS SERVICES », un temps dirigée par Dick Cheney, elle est le 1° employeur du Kosovo avec 20 000 emplois indirects. Bondsteel est également une véritable ville, avec son centre-ville et ses banlieues, ses cinémas et ses églises ; on y trouve notamment un Burger King, ainsi que le plus grand hôpital militaire d’Europe.

Pour élargir la problématique, il faut savoir que « BROWN and ROOTS SERVICES » a en 1999 investi 180 millions de dollars en Hongrie, en Bosnie et en Bulgarie. Pour Donald Rumsfeld, ex-Secrétaire américain à la Défense :

« Il ne s’agit pas de dépenses mais d’investissements. Vous - les forces US dans le monde- ne pesez pas sur notre économie, vous êtes le socle de sa croissance. » . En fait, avec Bondsteel, c’est une présence à long terme des USA dans les Balkans qui s’esquisse. Bryan Hopkinson, directeur pour le Kosovo de l’ICG, dit en novembre 1999 : « Cette base est une réponse au besoin de présence dans les Balkans, qui se fera ressentir dans plusieurs années ».

Assez grande pour accueillir un nombre croissant de soldats américains, Bondsteel est une plate-forme de départ pour une future intervention militaire US dans la région. En cas de crise en Macédoine ou au Monténégro voisins, les forces américaines pourraient intervenir plus rapidement.

B- Le Kosovo comme couloir énergétique et cœur d’un système d’alliance

Véritable entonnoir lorsqu’on observe les vallées de Métochie et leur barrière du Kosovo du point de vue centre-européen, la province s’ « ouvre » au corridor VIII à travers sa façade tournée au Sud vers la Macédoine. Lorsqu’on sait que le Kosovo-Métochie regorge de minerais rares comme le tungstène ou le zircon utiles aux têtes de missiles, on comprend mieux l’intérêt porté par les Etats-Unis à l’axe Burgas/Dürres. A l’Est, dans la basse-Morava, le corridor X draine déjà dans un sens Nord/Sud des flux commerciaux vitaux pour la Macédoine ou la Serbie.

A l’ouest, le corridor IV Bucarest-Trieste aiguise les appétits des Russes. A l’intersection entre les corridors IV, VIII et X, le Kosovo est donc au cœur d’un réseau de première importance.

Les USA dans le jeu balkanique. En même temps, les USA donnent une récompense aux Etats ou peuples qui se sont montrés récemment reconnaissants de l’aide américaine. On pense ici à l’ « axe vert » Turcs de Bulgarie / Albanais de Macédoine, du Kosovo et d’Albanie / Bochniaques de Bosnie. Il faut savoir que les Albanais tiennent le Ministère de l’Economie de la Macédoine et bénéficient depuis 2003 d’une large autonomie au Nord-ouest du pays ; ils sont également à la tête des Instances provisoires de Pristina, contrôlant un territoire séparé par une frontière militaire avec la Serbie. Sevdije Ahmeti, militant des droits de l’homme albanais, a dit que « les Albanais sont le seul peuple à aimer l’OTAN de tout cœur ». Cela s’est vérifié aux élections législatives de novembre 2007, où les partis albanais organisaient des meetings dans des salles entièrement recouvertes de la bannière étoilée.

Le Kosovo comme projection au Moyen-Orient. A l’intersection des axes Mer Adriatique/Mer Noire et Danube/Mer Méditerranée, la forte présence américaine contrecarre les ambitions des Russes et du monde arabe sur la région. En janvier 1999, l’éditorialiste du « Washington Post » déclarait sans ambages que « Le Moyen-Orient devenant de plus en plus fragile, nous allons avoir besoin de bases et de droits de survol aérien dans les Balkans pour protéger le pétrole de la mer Caspienne". Bondsteel aurait ainsi été conçu pour remplacer la base aérienne d’Aviano (Italie), dans le cadre d’une réorientation de la stratégie américaine autour de la Mer Noire.

2 - Enchaînements en cascade

A- Deux Etats pour un peuple


Précédent historique pour le monde au XXIeme siècle

Pour la première fois dans l’histoire contemporaine, un peuple, les Albanais, aurait deux Etats, l’Albanie et le Kosovo. En outre, le Kosovo, qui n’a jamais été un Etat dans son histoire mais une partie d’Etats serbe, ottoman ou yougoslave, se verrait doter de tous les organes d’un Etat moderne par séparation de celui auquel il appartient, la Serbie. Là aussi, pour la première fois depuis 1945, une scission d’un territoire sans précédent étatique dans l’histoire, serait reconnue en période de paix. Enfin, l’indépendance octroyée aux dirigeants des Institutions provisoires de Pristina équivaudrait à donner un satisfecit à une politique calamiteuse menée par des criminels de guerre, ce qui ne s’est jamais vu dans l’histoire contemporaine. En effet, le Premier ministre actuel, Agim Ceku, a été poursuivi par Interpol en 2003 et 2004 pour assassinat de civils durant la guerre du Kosovo de 1998. Le Kosovo est aussi la plaque tournante de l’esclavage sexuel et du trafic de drogue en Europe.

Reconnaissance de la politique de la terreur des extrémistes albanais

Depuis la mise sous tutelle de la MINUK de la province méridionale de la Serbie, le bilan humain est désastreux. Entre 1999 et 2004, sur les 235 000 Serbes, Tziganes, Goranis et Turcs chassés du Kosovo après les accords de Kumanovo, seuls 12 000 ont pu revenir dans leurs foyers. 1917 non-Albanais ont été assassinés, 2300 kidnappés. Plus de 150 églises et monastères orthodoxes ont été détruits, et 40 000 maisons brûlées ou détruites à l’explosif par les extrémistes. Résultat : 80 % de son territoire est exclusivement occupé par les Albanophones, contre 53 % en 1991.

B- Soutien américain aux irrédentismes musulmans : formation d’une « transversale verte »



Bosnie-Herzégovine

Dans la Fédération croato-musulmane de Bosnie-Herzégovine, les autorités américaines envoient dès 1994, alors que le conflit bosniaque n’était pas terminé, des instructeurs militaires et des vétérans US officiant pour plusieurs groupes de sécurité privés. Entre 1995 et 2001, plusieurs centaines de moudjahiddines, venus pendant le conflit de Jordanie ou d’Arabie saoudite restent dans la Fédération croato-musulmane et se voient même attribuer des passeports bosniaques (1995-2001) ; or les autorités US n’entament aucune poursuite à leur encontre. Ce n’est qu’après 2001 et les événements du 11 septembre que les USA font pression sur les autorités de Sarajevo pour poursuivre, parmi ces vétérans islamistes du conflit bosniaque, quatre d’entre eux qui ont collaboré aux événements du World Trade Center.

Sandjak

D’autre part, un arc de tensions se développe depuis quelques années de part et d’autre du Kosovo. Au Sandjak, couloir stratégique de 8873 km2 reliant le Kosovo à la Bosnie, une guérilla politique oppose parfois violemment les représentants des deux partis musulmans, le Parti d’action démocratique (SDA)

prônant un rattachement à la Bosnie voisine, au Parti démocratique du Sandjak (SDP) plus légaliste vis-à-vis de Belgrade.

Le terrorisme islamiste y a fait son apparition en 2007. Après la guerre de Bosnie (1992-1995), certains groupes de moudjahidin afghans et arabes avaient trouvé refuge au Sandjak. Après plusieurs années d’attente, les groupes wahhabites sont passés à l’action et la police serbe a démantelé au printemps 2007 un camp d’entraînement militaire et une cache d’armes autour de Novi Pazar, arrêtant 5 Jordaniens.





Vallée de Presevo

Située au sud de la Serbie à l’intersection des corridors VIII et X, une guérilla albanaise maintient la pression contre la police serbe. Le 24 février 2003, à 10 km de Bujanovac, le policier Milan Vujović était tué en patrouille sur une mine ; fin octobre 2005, une explosion éclatait dans le centre de Preševo, revendiquée par un groupe armé albanais. Le rattachement au Kosovo est porté par tous les partis albanais de la vallée qui proposent un marché : en cas de partition du Kosovo, sa partie septentrionale donnée aux Serbes permettrait aux Albanais de Presevo d’être rattachés au nouvel Etat kosovar. En cas de heurts entre les deux forces militaires, les liens avec la Macédoine et la Grèce seraient coupés pour la Serbie, à l’endroit où le corridor européen X est vital pour la survie de l’économie serbe.

3- Un précédent historique

L’indépendance en temps de paix d’un Kosovo à la situation économique et sécuritaire non-réglée, et sans antécédent étatique dans l’histoire, serait un précédent dans toute l’histoire contemporaine européenne. L’effet-domino pourrait déstabiliser plusieurs régions en Europe. Par effet de levier, les Serbes de Bosnie pourraient automatiquement demander leur indépendance.

Dans les Balkans occidentaux, les Albanais de Macédoine et du Monténégro pourraient légitimement demander leur scission de ces deux pays pourtant récents et en pleine transition politique. En Europe centrale, la forte minorité hongroise, disposant déjà d’une large autonomie en Roumanie et en Slovaquie, pourrait passer à un mouvement sécessionniste. Enfin sur ses confins, la Russie demanderait la scission de l’Abkhazie et de l’Ossétie du sud, ce qui déstabiliserait fortement la Géorgie ; sans parler des éventuelles séparations de la Crimée et de la Moldavie, respectivement d’Ukraine et de Transnistrie. Or cette boîte de

Pandore ouverte en Europe orientale pourrait avoir des effets déflagrateurs en Europe de l’Ouest. Les Catalans et les Basques, dotés eux aussi d’une large autonomie dans leurs provinces, pourraient passer à un stade supérieur et se séparer de l’Espagne. En Belgique, l’unitarisme déjà fortement mis à mal pourrait être balayé par la scission des Flamands. En France, la question corse ou bretonne risquerait d’être ravivée.


























Bruxelles

10 octobre 2007

Etat de droit, justice et mafias au Kosovo



Ivana BACVANSKI

Membre du « Collectif Citoyen pour la Paix au Kosovo-Métochie »

L’Etat de Droit signifie que l’Etat est soumis au Droit. Donc sa puissance s’en trouve limitée. L’Etat de Droit est aujourd’hui considéré comme la principale caractéristique des régimes démocratiques.

Il suppose le respect de la hiérarchie des normes juridiques ainsi que le respect de l’égalité des sujets de droit, cela veut dire que les règlements qu’il édicte et les décisions qu’il prend doivent respecter l’ensemble des normes juridiques supérieures et ce sans bénéficier d’un quelconque privilège de juridiction.

D’où en découle une indispensable indépendance de la justice, impliquant la séparation des pouvoirs.

Le rapport 2006 du « Minority Rights Group» a mis en évidence la situation catastrophique de la communauté serbe et des minorités au Kosovo-Métochie. Il traite du manquement aux droits les plus fondamentaux, d’expulsions, de discriminations, qui va jusqu’à la peur de parler sa propre langue.

Il souligne ainsi l’échec de la mission de l’ONU et de l’application de la résolution 1244.

La mission de l’ONU au Kosovo-Métochie était en juin 1999 aux accords de Kumanovo d’ :

* établir une autonomie substantielle dans les frontières de l’Ex-Yougoslavie (aujourd’hui de la Serbie).
* protéger les Droits de l’Homme partout sur le territoire du Kosovo-Métochie.




* assurer le retour de tous les réfugiés et déplacés.
* assurer l’ordre public à travers la mission de la KFOR.



Pendant les bombardements de l’Otan entre mars et juin 1999 sur la Serbie (Kosovo-Métochie compris), près de 800 000 Albanais et plus de 100 000 Serbes avaient fui le terrain des combats et les bombardements.

La population albanaise a pu très rapidement retourner dans la province serbe grâce à la mission internationale, tandis qu’un nouvel exode massif se produisait : celui des Serbes et des minorités, comme les Roms, mais aussi celui des Albanais.

Les atrocités commises sous les yeux de la KFOR depuis 1999 n’ont pas été punies (quartiers brûlés comme la mahala rom de Mitrovica-Sud, persécutions, pressions pour fuir…).

Le rapport 2006 du « Minority Rights Group » écrit noir sur blanc qu’il s’agit d’un nettoyage ethnique, et cela n’est plus à prouver. Il insiste surtout sur la violation des Droits de l’Homme concernant le retour des réfugiés serbes. Il donne un exemple frappant : en 2000 et 2001, la KFOR allemande empêchait le retour des réfugiés dans leur secteur en installant des check points à chaque entrée de zone serbe.

L’autre drame, qui constitue le plus grand manquement aux Droits de l’Homme, a été les émeutes de mars 2004 : un deuxième nettoyage ethnique se déroulait sous les yeux des internationaux, 5 ans après leur arrivée (22 morts et des centaines de maisons brûlées ou détruites).

Ce qu’il faut comprendre c’est que le Kosovo est aujourd’hui une société fondée sur la ségrégation. Des milliers de réfugiés vivent encore dans des camps, les villes et les villages sont presque tous ethniquement purs, débarrassés des non-Albanais, des personnes sont attaquées car elles parlent une langue autre que l’albanais.




L’ONU est incapable de faire appliquer le Droit et de faire respecter la justice et les Droits de l’Homme. Les populations ne se sentent pas en sécurité et les réfugiés et déplacés ont peur de revenir.

Et ce n’est pas un manque de ressources financières qui en est la cause, car près de 3 milliards d’euros ont été dépensés depuis 8 ans : c’est le plus gros montant jamais dépensé par la communauté internationale pour une opération de maintien de la paix.

L’autre grand problème est l’illégalité et la criminalité, qui est partout.

La question de la propriété n’est pas résolue : l’occupation illégale des maisons, la destruction des maisons, la construction illégale de maisons albanaises ou de commerces albanais sur des terrains appartenant à autrui, à l’Eglise, ou sur un domaine protégé comme le Parc Naturel de Sar Planina (dans l’enclave serbe de Strpce).

Il s’agit aussi bien de constructions illégales de maisons et de commerces, que de Casinos, d’hôtels de luxe, de stations-essence…

Lorsque nous avons demandé aux personnes travaillant à l’ONU si elles pouvaient faire quelque chose contre les constructions illégales, elles nous répondaient que l’ONU n’avait aucun pouvoir, et qu’en plus les internationaux ont des ordres de ne pas se rendre dans des zones précises du Kosovo, interdiction venant de la KFOR. Leur champ d’action est donc bien restreint.

L’argent de la mafia est partout. Le Kosovo-Métochie n’a pas d’économie, mais pourtant les zones albanaise sont en plein essor : des hôtels, des immeubles, des maisons, des casinos, des station- essence sont en construction tous les deux kilomètres…Tous les internationaux sur place nous ont confirmé qu’il n’y avait pas d’économie et aucune ressource financière, et que toutes ces nouvelles constructions venaient de l’argent sale de la mafia albanaise.

Xavier Raufer, criminologue français, estime que le Kosovo-Métochie est le paradis des trafiquants de drogue : 80% du trafic d’héroïne en Europe passe par le Kosovo-Métochie, venant de la Turquie.


Les criminels d’Albanie et du Kosovo-Métochie ont un quasi monopole sur le trafic d’héroïne et ils en contrôlent l’acheminement vers l’Ouest de l’Europe. Interpol a rapporté dès 1997 que la mafia albanaise du Kosovo détenait la plus grande part du marché de l’héroïne en Suisse, Autriche, Hongrie, Allemagne, République tchèque, Norvège, Suède, Pologne et Belgique.

Selon cette institution, l’intervention de l’OTAN a déclenché un « cataclysme criminel ».

La Suisse ayant accueilli plus de 200 000 réfugiés albanais est l’une des plaques tournantes du trafic de drogue et d’armes vers l’Ouest. Le trafic en 1998 et 1999 servait essentiellement à financer l’achat d’armes livrées à l’UCK. Aujourd’hui, les liens entre la mafia albanaise du Kosovo-Métochie, l’UCK et le boom de l’héroïne en Occident ne font plus de doute.

Ces criminels sont impunis car, se mouvant dans l’entourage d’hommes devenus aujourd’hui des personnalités politiques comme Hashim Thaci, ils sont intouchables et continuent tranquillement leurs activités. Les internationaux ayant peur de se frotter à la mafia, préfèrent ignorer le problème.

L’échec de l’ONU est surtout net sur cette question de la criminalité. L’instauration du protectorat international a de plus entraîné l’arrivée de nouveaux clients pour les activités criminelles. Les personnels civils et militaires de la MINUK, de la KFOR ou de l’OSCE sont en majorité des hommes, au fort pouvoir d’achat et célibataires de circonstance : ils sont donc naturellement des clients privilégiés pour la prostitution, bien que l’OTAN ait émis une « black list » des lieux interdits aux personnels internationaux.

Le troisième gros problème est l’inexistence de la justice, qui est fondamental pour une démocratie. Les crimes restent impunis, et les criminels se sont ni retrouvés, ni jugés. Il y a un réel sentiment d’impunité des terroristes qui s’attaquent non seulement aux Serbes et aux minorités, mais aussi aux internationaux de la MINUK et de la KFOR.




En 2005, le « Rapport de l’OSCE sur la justice », concernant les crimes commis en mars 2004 contre la communauté serbe, est alarmant.

Devant le nombre de délits commis, peu de personnes sont inculpées. L’investigation des autorités judiciaires manquent de rigueur, y apprend-on ; les témoins ont peur et subissent des pressions pour ne pas aller témoigner. Il y a un sentiment d’impunité et les tribunaux échouent à donner un message clair de condamnation des violences. Les criminels sont confortés dans leur volonté de poursuivre le nettoyage ethnique.

On estime que 50 000 personnes ont participé aux attaques sanglantes de mars 2004, mais seulement 454 individus ont été inculpés et 211 condamnations ont été prononcées.

C’est difficile quand les témoins sont victimes de pressions et quand les juges obéissent d’abord à des logiques de famille, de clan, ou de parti politique.

En 2006, les restes d’environ 2000 Albanais avaient été retrouvés, datant des combats de 1998 et 1999, mais seulement d’une centaine de Serbes. Les responsables albanais font tout pour retarder le travail d’identification des charniers et d’exhumation, et il y a fort à craindre que les corps des Serbes tués par l’UCK ne soient jamais retrouvés…

Un autre rapport plus récent de l’OSCE (2006) parle de la faillite de la justice ; il met en évidence la corruption des juges et les pressions qu’ils subissent. Plus de 40 000 dossiers sont en attente. L’Ombudsman serbe du Kosovo-Métochie, Ljubinko Todorovic, nous a indiqué que 18 000 plaintes n’aboutissent pas et que plus de 70% des avocats qui assurent la défense des Serbes et des minorités sont Albanais : il y a bien un réel problème d’impartialité de la justice.

Autre problème qui a son importance pour le bon fonctionnement de la justice est que les autorités locales interviennent dans la justice. Il n’y a pas de séparation des pouvoirs effective, or c’est un élément essentiel de l’Etat de Droit. La lenteur de la justice est due surtout aux faibles compétences des juges (problème de diplômes, de formation) et à la mauvaise gestion des dossiers.


Ce qu’il faut comprendre c’est que la criminalité, les trafics, les agressions, les discriminations et la peur sont quotidiens. Le Kosovo est le trou noir de l’Europe, où il n’y a pas de liberté de mouvement. Les agressions sur les internationaux, sur les Serbes ou sur les forces de la KPS sont fréquentes. Les témoins existent mais ne peuvent témoigner à cause de la loi du silence et de la peur.

Voilà quelques exemples d’agression récents : grand-mère serbe tabassée à Pristina en juin 2007, véhicule de la KFOR attaqué à Srbica en juillet 2007, et rien qu’en septembre 2007 un policier albanais de la KPS tué en pleine rue, trois agressions contre des Serbes en une semaine dans la région de Gnjilane et la destruction de la tombe du Sultan Murat à Pristina (monument turc).

Enfin, peu de personnes kidnappées et tuées pendant les combats de 1998 et 1999, et après l’arrivée de l’ONU, ont été retrouvées (il y a 2300 disparus au Kosovo-Métochie en 2007).

Dans les enclaves serbes, les attaques sont fréquentes contre les voitures la nuit. La KPS (Police du Kosovo) est une police militaire qui intervient sans respecter le droit pénal, ni les droits des détenus. Pour exemple, nous avons rencontré une famille à Strpce, qui s’est fait maltraitée dans sa maison par la police en pleine nuit ; le « présumé coupable » a été incarcéré en complète violation du Droit Pénal.















Bruxelles

10 octobre 2007

La catastrophe humanitaire des Roms du Kosovo-Métochie



Nedzmedin NEZIRI

Président de l’URYD-France

(Union de Roms de l’ex-Yougoslavie en Diaspora)

I- Histoire et situation géopolitique des Roms

Les Roms représentent une population sédentaire et bien intégrée dans les régions du Kosovo et de la Métochie depuis plus de six siècles. En effet, la première trace d’installation durable de familles roms se trouve dans la localité de Novo Brdo, où dès 1346 se sont sédentarisés des Roms venus du Caucase. Les historiens s’accordent à dire que les plaines du Kosovo sont habitées par de nombreuses familles roms à partir du XV° siècle. Cette longue implantation rom dans la région s’est terminée avec l’installation de la dernière vague d’immigration à Kosovska Mitrovica à la fin du XVII° siècle.

Les Roms du Kosovo avaient pris l’habitude, sous l’empire ottoman, de préserver leur langue et leur culture au sein de leur groupe ethnique. La coutume ancestrale se perpétuait au sein de la famille élargie, où le patriarche décidait des règles internes (mariages, achats) et externes (vente des produits, accords avec les autorités). Depuis leur arrivée au Kosovo, les Roms vivent regroupés dans les « mahalas », quartiers au cœur des villes mais isolés socialement et politiquement du reste de la population. Ils exercent les métiers artisanaux, de marchands et de manœuvres. Les Roms du Kosovo sont majoritairement musulmans et sont séparés en plusieurs sous-groupes, comme les Ashkalis.




Les représentants des Roms du Kosovo ont toujours fait attention à ne pas être mêlés aux conflits religieux ou aux multiples guerres civiles, surtout celles du XX° siècle, qu’ont traversé les Balkans. Or cette neutralité a souvent été mal interprétée et déjà lors de la Seconde guerre mondiale, leur retrait de la scène politique laisse croire aux autorités allemandes qu’ils ont fait allégeance aux mouvements de résistance. Cela entraîne l’expulsion par la Werhmacht de plusieurs dizaines de milliers de Roms du Kosovo en 1944 et 1945, fortement soutenue par le Balli Kombetar, mouvement extrémiste albanais. Sous la Yougoslavie titiste, les Roms voient leurs droits culturels reconnus et ils ont au Kosovo à leur disposition des radios et journaux, mais leur situation économique reste très fragile. Des Roms participent à la vie politique et sous Milosevic ils sont encore reconnus : c’est ce qui amènera les Albanais du Kosovo à les considérer comme des alliés des Serbes.

II- La purification ethnique des Roms du Kosovo-Métochie

En juin 1999, les troupes de l’OTAN sont rentrées au Kosovo-Métochie et les Roms ont connu depuis une véritable purification ethnique. Il faut savoir que leur nombre est passé de 140 000 en 1999 à moins de 80 000 aujourd’hui, ce qui représente un exode et un nombre de réfugiés inégalé jusque là pour la population rom, même aux heures les plus sombres de la Seconde Guerre mondiale.

Ces Roms ont fui le Kosovo car des exactions nombreuses ont été faites à leur encontre par les extrémistes albanais- viols, grenades lancées sur leurs maisons, vexations sur le lieu de travail. Il y a également depuis 1999 une pression très forte sur leurs maigres propriétés, et par exemple de nombreux incendies sur certaines mahalas - Gnjilane, Mitrovica. Ces Roms sont allés se réfugier en Serbie centrale, dans des villes comme Nis ou Kursumlija, parfois même à Belgrade. Un certain nombre s’est exilé en Suisse, en Allemagne ou en France.

Mais le plus horrible est que ceux qui sont restés au Kosovo subissent des mesures vexatoires indignes d’un pays civilisé. Les ouvriers et techniciens roms, assimilés au Serbes car ayant continué à travailler dans les usines sous le régime



Milosevic, ont quasiment tous perdu leur travail dans les entreprises d’Etat dès 1999 –usines, centrales, administrations.

Leurs médias ont disparu et les journalistes roms ne peuvent plus travailler de façon indépendante. Mais encore plus grave, les Institutions provisoires de Pristina procèdent depuis plusieurs années à l’albanisation des familles roms. L’URYD estime ainsi qu’entre 2000 et 2007, des milliers de familles roms ont vu leur nom rom transformé en nom albanais par les Institutions provisoires de Pristina, niant ainsi l’existence même des Roms sur le territoire du Kosovo !

III- Les Roms de Kosovska Mitrovica

Les Roms de Kosovska Mitrovica vivent ici depuis plus de 300 ans et plus de 8 générations ont connu la mahala de Mitrovica. Jusqu’en 1999, cette mahala comptait 1123 maisons et 8500 Roms vivaient officiellement à Mitrovica. C’était la mahala la plus importante de tout le Kosovo ; elle avait son conseil municipal, ses entreprises et une radio officielle. Or à l’été 1999, cette mahala a été brûlée, sous l’action organisée de terroristes albanais qui ont effacé ainsi en une nuit toute trace de la présence rom à Mitrovica-sud.

L’exode a touché la plus grande partie des Roms de Mitrovica, les amenant en Serbie, en Allemagne ou en France. Certains sont restés, réfugiés chez des amis ou partis en zone sud (partie albanaise) reconstruire leur vie. Mais les Roms évacués à Mitrovica-Sud ont vu leurs conditions d’existence se dégrader, notamment sur le plan de l’éducation.

Après l’incendie de 1999, d’autres réfugiés roms ont étés recueillis dans des camps en zone nord (partie serbe), mais dans des conditions déplorables. Ainsi, le camp de Zitkovac a été construit en septembre 2000 sur un terrain contaminé par la poussière de pirit (déchets de plomb rejetés par l’usine TREPCA pendant son fonctionnement). Depuis 2003, un programme européen essaie de reconstruire, mais très lentement et de façon incomplète, des maisons pour que le retour se fasse. Le problème est qu’elles sont peu nombreuses, placées en zone sud (albanaise) et chaque maison est trop petite pour une famille rom.


Or les Albanais ne font aucun effort pour pallier la détresse des Roms et ils ont même systématiquement licencié les membres de cette communauté depuis 1999.

Dans cette situation tragique, les Roms se sentent aussi délaissés à Kosovska Mitrovica par les autorités serbes ou celles de la MINUK.

Je voudrais ici vous faire part d’une interview faite le 16 juillet 2007 à Mitrovica-Nord d’une jeune femme rom. Elle a dû fuir sa maison en 2000 pour se réfugier au nord de l’Ibar, puis a accepté de revenir dans la mahala, à Mitrovica-sud, où la MINUK a reconstruit 400 maisons sur les 1123 qui existaient en 1999. Cette jeune femme, battue par des extrémistes albanais car elle travaillait dans un journal indépendant, nous a demandé de ne pas divulguer son identité.

Comment les enfants roms sont-ils scolarisés à Kosovska Mitrovica ?

A Mitrovica-Nord, les enfants vont à l’école normalement. Ceux qui sont retournés à Mitrovica-Sud, ils allaient au début à l’école albanaise, mais la plupart ont des difficultés énormes pour la nourriture, les vêtements, les chaussures. Ils n’ont pas de bonnes conditions de vie. A OSTERODE il y a une école maternelle mais pas à CESMIN LUG…. Nos enfants ne peuvent pas y aller, car c’est trop loin !

Quelles sont vos conditions de vie dans le camp de ZITKOVAC, au nord de Mitrovica ?

Les enfants ont eu des crampes et des douleurs dans les articulations, leur immunité est tombée. Cet empoisonnement porte préjudice principalement aux enfants et aux femmes enceintes. Au début, de la nourriture était régulièrement distribuée par l’association « AKT »et il n’y avait pas de signe d’empoisonnement. Quand la distribution s’est arrêtée, alors les effets du plomb ont commencé à se faire ressentir. Il y a eu multiplication des pathologies, dont la tuberculose et ces

crampes insupportables que ressentaient surtout les enfants et les personnes âgées. Puis, même les médicaments ne nous sont plus parvenus. Quand ils ont fait

le constat que le plomb était présent dans le sang des enfants, alors ils ont commencé à distribuer du lait.


C’est la Croix Rouge internationale qui a lancé le mouvement. Ils ont emmené les enfants à « Simonide et Gazivoda », alors qu’on aurait dû les envoyer se faire soigner dans des sanatoriums, mais ils disaient qu’ils n’avaient pas assez de budget. Dans les trois camps de Roms établis au nord de Mitrovica, il y a le même problème ; mais le plus touché est celui de ZITKOVAC.

Est-ce que les habitants des camps sont d’accord pour retourner vivre à la mahala ? Que pensez-vous de la construction des maisons du quartier ?

Les maisons ont été construites sans aucune isolation, la façade n’est pas faite. Elles sont très petites et ressemblent plus à des baraques, comme dans les camps, qu’à de vraies maisons. Ca ne ressemble pas du tout à ce qu’était le quartier avant sa destruction ; elles ne ressemblent à rien, on dirait des blocs ! Chaque maison comporte 2 pièces, 1 petite chambre et une cuisine ouverte avec le salon, un couloir et une petite salle de bain. Cinq personnes doivent vivre dans ces 2 pièces.

Des Roms hésitent encore à sortir des camps pour s’installer dans ces maisons car la sécurité n’est pas garantie. De plus, il arrive souvent qu’il n’y ait pas d’électricité toute la journée ou toute la nuit. Ou alors on reste sans eau de 9 heures du matin à 5 heures de l’après midi. Que peut-on faire toute la journée sans eau ?

Pour le reste, il y a beaucoup de bruit et de musique des voisins, les gens sont gênés, ils n’ont pas l’habitude de vivre comme çà. Avant j’avais une grande cour : ils m’ont fait une toute petite maison sans rien autour ! Je ne peux pas agrandir, je ne peux pas vendre, je ne suis plus chez moi. La société « DRC » a construit avec des matériaux de mauvaise qualité : des murs aux matériaux qui sont dedans, tout est de mauvaise qualité, ils ont pris ce qu’il y a de moins cher sur le marché. Le comble est qu’ils utilisent le budget en notre nom et nous donnent tout ce qui est de mauvaise qualité. Personne n’est content.

C’est un Albanais qui est responsable du programme de retour dans la mahala. Pourquoi n’ont –ils pas employé un Rom du quartier sur ce projet ?

Les autorités albanaises n’ont pas employé un Rom du quartier sur ce projet de construction de maisons, parce qu’ils pensent que nous sommes sans éducation.


Par exemple, mon frère s’est présenté, on lui a demandé un CV, il a envoyé son CV, or depuis plus d’un mois il n’a aucune réponse. Ils n’embauchent que des Albanais, qui reviennent de Suisse et trouvent tout de suite du travail.

Plus grave encore, les Roms ne peuvent plus se fier à la justice qui a été mise en place à Mitrovica après 1999. Un jour, avec mon frère, nous étions en voiture et nous avons fait plusieurs allers-retours dans le quartier parce que l’on préparait Djurdjevdan (principale fête rom), que l’on voulait fêter au nord avec notre famille.

La police albanaise nous a arrêtés, nous a accusés de provocations et emmenés au commissariat côté sud. Ils nous ont interrogé pendant plusieurs heures et ils se sont mis à frapper mon frère en hurlant, ils voulaient qu’il avoue avoir tué des Albanais! Nous avons porté plainte, ma plainte n’est toujours pas arrivée au tribunal mais j’ai reçu 4 convocations de la police albanaise. Si je ne me présente pas tout de suite, c’est la police qui vient me chercher.

Plus généralement, quelle est l’attitude des autorités serbes et de la MINUK à l’égard de votre communauté ?

Les Serbes ont renvoyé les Roms au sud de Mitrovica jusqu’à ce qu’on proteste, mais personne ne veut les employer ici à Mitrovica-Nord. Les aides sociales sont arrêtées du côté des Serbes et du côté de la MINUK pour ceux qui retournent à la mahala en reconstruction. Nous ne pouvons plus venir sur Mitrovica-Nord pour s’y faire soigner… On nous a dit qu’il y aurait des médecins 24h/24h sur le quartier, c’est faux ! Le médecin ne vient que 2 fois par semaine.

Nous avons vécu ici pendant 8 ans ensemble, pourquoi n’avons-nous plus le droit de nous y faire soigner ? Pourquoi les Serbes n’ont rien fait pour améliorer nos conditions de vie ? Qui a du plomb dans le sang ? Les Roms ! Où sont les baraques brûlées ? Chez nous ! Pour qui les inondations ? Pour nous ! Pour qui les camps catastrophiques ? Pour nous ! On en a marre, c’est pour çà que l’on retourne au sud





Témoignages

Responsables politiques et associatifs

au Kosovo-Métochie





















Nebojsa JOVIC

Membre du « Conseil National Serbe de Mitrovica »,

Président de l’ «Association des expulsés du Kosovo-Métochie »


Mitrovica-Nord
Dimanche 15 juillet 2007





Mitrovica est une ville au nord du Kosovo, sise de part et d’autre du fleuve Ibar. Au sud du fleuve, plus de 80 000 Albanais habitent une ville dynamique et populeuse, alors qu’au nord de l’Ibar sont allés se réfugier à l’été 1999 plusieurs milliers de Serbes chassés de Vucitrn ou d’Obilic. Mitrovica-Nord est une banlieue semée d’immeubles HLM, où la principale activité est le petit commerce pratiqué dans de multiples petites échoppes.

Nebojsa JOVIC est un des principaux représentants du « Conseil National Serbe » de la ville, instance créée quelques mois après l’arrivée de la KFOR par les leaders serbes du Kosovo-Métochie. Il nous reçoit à quelques dizaines de mètres du pont rejoignant les deux parties de Mitrovica, dans le local du « Conseil national Serbe » décoré de drapeaux et de symboles nationaux serbes.

Q : Tout d’abord Monsieur Jovic, pouvez-vous vous présenter ?

R : Je suis membre de la Présidence du « Conseil National Serbe » de Mitrovica avec Monsieur Marko Jaksic, et je suis par ailleurs le Président de l’ « Association des expulsés du Kosovo-Métochie ». En ce qui concerne mes activités à Mitrovica, je suis l’interlocuteur central pour les questions de sécurité auprès de la MINUK et de la KFOR. Je vais vous donner un exemple vous expliquant mon rôle. Il y a huit mois, une bombe a explosé à Mitrovica-Nord : mon rôle était de calmer la


population qui était nerveuse après cette attaque, mais surtout de pousser la recherche du coupable. Je voulais savoir qui était l’auteur de cet acte, car on savait qu’il pourrait revenir ici et lancer une autre bombe. On veut bien calmer la population pour éviter l’escalade de la violence, mais il faut aussi retrouver les criminels.

Mon but est aussi et surtout de prévenir les incidents, pour qu’il n’y ait pas d’escalade de la violence, de tension ni d’agression ; pas de chaos en somme.

Je suis en contact avec la KFOR, la MINUK et la Police internationale nuit et jour. Je préfère par prévention faire des réunions avec ces institutions et rencontrer leurs représentants ; cela permet de parer à toute éventualité.

Q : Quelle est la situation actuelle au Kosovo-Métochie ?

R : Si on m’avait demandé le 15 ou 16 mars 2004, à la veille de l’explosion de violence anti-serbe, comment était la situation, j’aurais répondu qu’il n’y avait pas de tension, et que c’était calme. Or dès le lendemain, ça a été le chaos au Kosovo…

Je pense que la sécurité dépend des internationaux (MINUK et KFOR), car ce sont des professionnels qui sont formés pour empêcher les incidents. Pour moi, il est toujours suspect qu’ils n’arrivent pas à empêcher des incidents : on peut se demander encore pourquoi ils arrivent en retard lors d’une une attaque ou d’une agression. J’espère qu’une flambée de violence comme on l’a connue en mars 2004 ne se reproduira plus.

Q : Comment avez-vous vécu la guerre en 1999, les bombardements et l’arrivée de la KFOR ?

R : On sentait que cette situation ne serait pas une sinécure pour les Serbes du Kosovo-Métochie, mais jamais on aurait pensé non plus que ce serait le chaos après l’arrivée de la KFOR.


Les Albanais disent qu’ils vivent mieux que sous le régime de Milosevic : il faudrait leur demander vraiment ce qu’il en est. Je comprends bien que ce n’était pas une

situation idéale pour eux sous Milosevic, mais je suis aussi certain que la situation n’était pas aussi catastrophique qu’ils le prétendent. Mais, c’est à une tierce partie d’étudier leurs dires et de les vérifier.

Ils se plaignent surtout de leur mauvaise situation pendant les bombardements de l’OTAN. Pour moi, un criminel n’a pas de nationalité et tout criminel doit répondre de ses crimes : si un Serbe a tué 5,6 ou 10 Albanais, je ne vais pas le défendre parce que c’est un Serbe. Les Albanais doivent donc accepter d’être poursuivis pour les crimes commis.

Sous le régime de Milosevic, j’ai été le premier, dès 1990, à organiser des manifestations au Kosovo-Métochie contre Milosevic et son parti. C’était le premier Conseil National Serbe et je luttais contre ce régime comme militant anti-communiste. Son régime a été une catastrophe pour la Serbie, et les premiers à en avoir souffert ont été les propres Serbes.

Pour en revenir à la situation de 1999, c’était la guerre, et toutes les parties au conflit portent leur part de responsabilité. Mais après les bombardements de 1999, le plus grand nombre de crimes albanais ont eu lieu pendant les huit ans de « paix » sous administration internationale.

Les Albanais qui avaient été expulsés après un an de guerre, laquelle a eu lieu en 1998 et 1999 entre la police serbe et les extrémistes séparatistes albanais, ont pu revenir au Kosovo-Métochie. Mais huit ans après, on ne donne pas le droit aux 250 000 Serbes et non-Albanais de revenir. Pourquoi ?

J’avais dit à Marek Nowicki en novembre 2006, quand il était encore médiateur au Kosovo-Métochie, que les Serbes et les non-Albanais n’étaient pas sur le point de revenir, car la population albanaise n’était pas prête à vivre à nouveau avec eux. Alors pourquoi parler de Kosovo multiethnique ?




Mais ce n’est pas parce que les 250 000 non-Albanais ne sont pas revenus, qu’il faut bloquer les négociations avec les Albanais. Au contraire, c’est un problème à régler, et nous Serbes devons être prêts à discuter avec les Albanais.

Par contre, on ne peut pas négocier sérieusement un plan concernant le statut futur du Kosovo, quand 250 000 personnes ne peuvent revenir dans leurs foyers.

A une réunion avec Monsieur Ruecker, le Chef de la MINUK, je lui ai demandé : « Pourquoi vous, qui devez être familiarisé avec le Droit, vous n’avez pas dit au Conseil de Sécurité de l’ONU que c’était beaucoup trop tôt pour discuter du statut, alors qu’il existe encore des crimes, agressions, expulsions, et toujours 250 000 personnes qui ne peuvent revenir au Kosovo ? ». Il s’agit d’un véritable nettoyage ethnique. Pourquoi n’ont-ils pas attendu que reviennent ne serait-ce que la moitié des expulsés, pour pouvoir envisager de parler du statut ? C’aurait été plus légitime.

Q : Quelle est votre position concernant le plan Ahtisaari sur le statut du Kosovo-Métochie, qui prévoit l’indépendance et donc la création d’un nouvel Etat ?

R. : Je pense que Monsieur Ahtisaari s’est lui-même discrédité en demandant à la Serbie de renoncer à 15% de son territoire, sans aucune contrepartie. Quelle est donc la légitimité de ce plan ?

Son argument est que si on ne donne pas l’indépendance aux Albanais, ils vont s’énerver et reprendre les armes, ce qui entraînera le chaos. Pour moi, cet argument est assez étrange, surtout quand la MINUK me dit que si on n’accorde pas l’indépendance aux Albanais, il va falloir qu’elle nous protège des assauts albanais. C’est un peu comme si les Serbes menaçaient de répandre le chaos au cas où le Kosovo-Métochie ne restait pas en territoire serbe. C’est un non-sens.

Par contre, je suis pour des discussions avec les Albanais, car rien de mauvais ne peut ressortir des discussions. Certains parmi les Serbes me reprochent de parler


avec les Albanais, d’être un vendu, mais je réponds que je leur parle au nom des Serbes. Quant aux Albanais, ils disent que nous les Serbes ne voulons pas vivre avec eux, et moi je leur réponds : « Mais pourquoi aucun Serbe n’est revenu dans la partie Sud de Mitrovica (zone albanaise) ? ». Alors que dans la partie serbe, 3000 Albanais vivent à Mitrovica-Nord et dans les villages alentour. Et nous n’avons rien contre ça…. Si les Albanais ne veulent pas vivre avec nous, je veux bien le comprendre, mais pourquoi vont-il jusqu’à détruire nos églises et nos cimetières, toucher à nos morts ?

Je ne crois pas que les Albanais soient à 100% mauvais, mais les institutions internationales doivent leur apprendre les fondamentaux du Droit, et leur signifier qu’il faut arrêter avec des pratiques d’un autre âge. Et c’est aux hommes politiques albanais de montrer leur sens de la démocratie, en faisant revenir les Serbes et les non-Albanais dans leurs foyers au Kosovo-Métochie.

Et après seulement, on pourra discuter sur le statut final sur un mode démocratique.

Q : Quelles sont vos relations avec la MINUK et la KFOR ?

R : Je suis pour des contacts réguliers avec ces institutions, et pour une relation cordiale avec elles.

Mais je me souviens d’une fois où j’étais mécontent envers la KFOR. C’était un jour, il y a trois ans, quand ils avaient décidé de contrôler les voitures non enregistrées avec les plaques KS (du gouvernement du Kosovo) et arrêter des voitures en situation irrégulière. Ce jour était le jour des défunts, et les gens se rendaient dans les cimetières se recueillir sur les tombes de leur proches. Pour moi ça a été un acte inhumain et une provocation d’arrêter des personnes et de les contrôler pendant des heures, en ce jour de recueillement. Je suis intervenu, et on m’a répondu qu’ils faisaient juste leur travail.

Après mars 2004, ils nous ont assuré que les incidents cesseraient. Ils surveilleraient les Albanais et tout rentrerait dans l’ordre. Car vous savez, ici à



Mitrovica-Nord, deux personnes ont été tuées pendant les attaques de mars 2004 -une femme enceinte et un vieillard- et 50 personnes ont été blessées.

C’est important aussi de garder un contact avec les Albanais. C’est indispensable pour calmer les tensions, car plus on se rencontre, plus on éloigne les tensions.

Au début, on a voulu laisser la KFOR calmer les tensions et ne pas réagir. On attend donc que la KFOR fasse son travail. S’ils ne réussissent pas, on attend de la police qu’elle agisse, et si eux ne réussissent pas, nous sommes dans notre droit de nous protéger comme nous le pouvons. Or aujourd’hui, nous n’avons toujours pas de protection de la part de la KFOR…

Q : Kosovska Mitrovica est en zone française, quelles sont vos relations avec les Français ?

R : Ils étaient ici dès le premier jour, et jusqu’à aujourd’hui on n’a jamais senti qu’ils se comportaient comme des occupants, on ne les a jamais vu mal se comporter en ville …Vraiment aucun incident n’est à signaler avec les Français.

Nous les avions même aidés pendant les attaques de mars 2004 en protégeant 5 soldats français qui avaient été brutalisés par la foule albanaise. Celle-ci tentait de franchir le pont pour entrer en zone serbe, et on a pu protéger les 5 Français en zone serbe. Le Général français en charge du contingent à l’époque avait déclaré qu’il fallait remercier la population serbe de les avoir protégés.

Q : Et vos relations avec les autres soldats ?

R : Il y a des Danois, mais nous n’entretenons aucune relation avec eux. Il y a aussi des soldats belges, j’ai peu de relations avec eux, même si je garde quelques contacts avec leur représentant.

Je pense qu’il faut le plus de contacts possibles avec les soldats pour avoir plus de chances de protéger notre peuple. Sans la protection de la KFOR et de la police, nous aurions eu plus de victimes depuis 1999.


Je veux aussi montrer que les Serbes sont coopératifs, et casser cette mauvaise image du Serbe non coopératif et têtu qu’on a mise en avant dans les médias.

Q : Quelle est la situation économique de la ville ?

R : Je ne peux que vous parler de la situation globale. Ce que je peux vous dire, c’est que l’usine de Trepca a nourri le Kosovo et même plus encore pendant des décennies. Trepca, avec ses ressources minières comme la lignite, ne peut être dissociée du statut du Kosovo. En effet, que deviendront les ressources comme la lignite ? Si il y a partition par exemple, comment partager les ressources entre Serbes et Albanais ?

La mine de Trepca a un potentiel, et je dirais même qu’elle pourrait employer 30% de la population, avec l’aide d’investisseurs étrangers, des investissements de l’Union Européenne par exemple. Et 30% ce n’est pas rien ! Les gens sortiraient de l’assistanat actuel qui voit Belgrade assurer le versement des anciens salaires. Seuls ceux qui parlent une langue étrangère se débrouillent, ils peuvent travailler dans les institutions comme la KFOR, la MINUK ou l’OSCE. C’est important aussi lors des négociations, de discuter de l’avenir économique du Kosovo et de régler le problème économique.

Il faut pouvoir régler les problèmes économiques en dehors de toute considération politique, malgré les deux municipalités différentes dans la ville de Mitrovica (serbe au nord, albanaise au sud). On peut ne pas être en accord sur le plan politique, mais on doit ensemble améliorer l’économie de la ville : il faut une vraie coopération économique.

Un autre grand problème est la multiethnicité. Quand on observe Pristina, Djakovica, Urosevac et Gnjilane, plus un seul serbe n’y vit, alors qu’ils y résidaient nombreux avant 1999 : il s’agit là d’un véritable nettoyage ethnique. Seule Mitrovica peut être considérée comme multiethnique, car même si chaque communauté y coexiste à côté des autres, c’est la ville la plus multiethnique du Kosovo. Peu importe la solution pour le statut (je doute que ce sera


l’indépendance) ; il faudra qu’on vive ensemble, ou alors les uns à côté des autres, à Mitrovica.

Q : Combien de temps pensez-vous que les institutions internationales comme la KFOR ou la MINUK vont-elles rester ?

R : Certaines structures, c’est sûr, resteront un certain temps, comme les structures financières par exemple, pour aider au redémarrage de l’économie.

Pour ce qui est de la MINUK et de la KFOR, c’est une question intéressante. Car selon le plan Ahtisaari, les Serbes seraient protégés par une structure militaire qui serait l’EUFOR (soldats de l’Union Européenne), qui succéderait à la KFOR. Mais je ne comprends pas bien alors : s’il est dit que le Kosovo est prêt à devenir un Etat indépendant, pourquoi la police et l’EUFOR devraient nous protéger ? Contre qui ?

C’est tout à fait illogique. Cela veut bien dire que les Albanais ne sont pas prêts à vivre avec nous. C’est un non-sens total et tout le monde le sait.

Selon le plan Ahtisaari, les soldats seront ici 2-3 ans, le temps de la transition, mais après ? Qui va nous protéger ? Il faut être réaliste et avoir une solution qui convienne à Pristina et à Belgrade.

Q : Quel est votre avis personnel sur le statut final, quelle serait la meilleure solution ?

R : Je suis pour faire face aux problèmes et les affronter.

Il y a trois solutions qui peuvent être envisagées :

La première solution est l’indépendance.

Ce qui voudrait dire que la Serbie intégrerait l’Union Européenne, handicapée d’une partie de son territoire, donc dans une situation de faiblesse.

En ce moment, nous parlons des négociations sur une période de 120 jours, avec ensuite de toute façon l’indépendance à la clé pour Pristina. C’est une perte



d’énergie de vouloir négocier quand on sait quelle en est l’issue. La communauté internationale ne se rend pas compte du danger de cette indépendance.

- S’il s’agit d’une indépendance déclarée unilatéralement sans l’aval du Conseil de Sécurité de l’ONU, et que certains pays reconnaissent unilatéralement ce nouveau pays, que va-t-il se passer ? La résolution 1244 n’existera plus de facto, et donc en absence de résolution, la Serbie devra faire revenir ses institutions, comme la police, l’armée, et donc revenir à la situation d’avant la Résolution, c’est-à-dire avant 1999. Pendant ce temps les Albanais auraient leur police, leur armée, leurs institutions, comme un pays souverain doit les avoir.

Et au final, on se retrouverait avec 1 police serbe et 1 police albanaise, 1 armée serbe et 1 armée albanaise, sur le même territoire.

Et là c’est le chaos total : on a une situation pire que celle d’avant 1999.

La communauté internationale ne se rend pas compte du danger de la reconnaissance unilatérale, qui revient à expulser la population serbe et les autres non-Albanais du Kosovo dans les rues de Serbie Centrale.

J’espère vraiment qu’on n’en arrivera pas à cette situation, et si il faut discuter des mois, voire des années, nous sommes prêts à le faire pour défendre la souveraineté de l’Etat serbe sur le Kosovo.

- S’il s’agit d’une indépendance reconnue par le Conseil de Sécurité de l’ONU, elle conduirait à un Etat indépendant : le Kosovo.

Le problème sous-jacent serait celui-ci : qui empêchera le Kosovo de s’unir avec l’Albanie, immédiatement ou dans le futur ? Car nous avons un même peuple, une même langue, avec les mêmes traditions, et la même histoire. Pourquoi ces deux pays ne se réuniraient-ils pas ?

La Serbie a été bombardée pour une raison : Milosevic n’accordait pas de droits à la minorité albanaise. Cela a mené au protectorat que nous connaissons aujourd’hui au Kosovo-Métochie, ainsi qu’au renversement du régime de Milosevic en octobre 2000. Le peuple serbe a changé de lui-même le régime à ce moment-là,



ce n’est pas l’œuvre des bombes. C’est le peuple qui a envoyé Milosevic au Tribunal Pénal International de La Haye.

La Serbie a démontré que c’était un pays démocratique, Milosevic est mort et nos minorités jouissent de nombreux droits en Serbie centrale.

Et pendant ce temps là, les Albanais ont montré leur sauvagerie pendant les 8 ans de présence internationale. Et pourtant les Albanais ont tout obtenu : le retour de leurs expulsés, pendant que 250 000 Serbes et autres non-Albanais ne peuvent revenir chez eux. Donc une indépendance est, pour ces raisons, inacceptable.

La deuxième solution serait la partition.

On parle beaucoup de cette solution, mais il n’y a pas de raison pour la Serbie d’accepter une telle solution, car elle se séparerait d’une partie de son territoire.

Les Serbes et les Albanais ont le droit de vivre au Kosovo-Métochie, c’est indéniable. C’est un territoire qui est historiquement serbe, qui fait partie de l’histoire de la Serbie, et qui est à l’origine de la fondation de l’Etat serbe au Moyen-âge. Les Serbes sont prêts à vivre avec les Albanais sur ce territoire, mais pas à déchirer le Kosovo et à donner un territoire qui n’a jamais appartenu aux Albanais, c’est logique.

Mais imaginons que cela soit le cas, supposons que l’Etat serbe donne une partie du Kosovo, elle en gardera quand même une partie. C’est une solution non-envisageable, ce serait la pire des solutions pour la Serbie, sachant qu’il n’est pas question d’accepter une indépendance.

La troisième et la meilleure voie possible : l’autonomie.

Si la Serbie garantit tous les droits aux Albanais, pourquoi demanderaient-ils l’indépendance ? Il y a de nombreuses possibilités pour augmenter leurs droits, nous y réfléchissons en ce moment. Si les Albanais le désirent, ils pourront participer à la vie politique de la Serbie, avoir par exemple une représentation à hauteur de 20% au Parlement Serbe, ce qui énorme. On est vraiment de bonne foi.




A eux de voir, s’ils veulent vivre ou non avec nous. En tout cas la Serbie est prête à leur donner un maximum de droits, un maximum d’autonomie.

Pour moi la meilleure solution est le compromis entre les deux parties. Il n’y a pas solution idéale, mais une solution peut convenir à force de négociations aux deux parties, serbe et albanaise.

On parle dans les médias depuis plusieurs jours de la possibilité que Monsieur Ahtisaari soit corrompu, je ne sais pas si c’est vrai. Mais un organisme sérieux, le Global Information System, qui est un service d’intelligence stratégique à destination des gouvernements, rend compte de cette possibilité et donne le chiffre de 2 millions d’euros reçus sur un de ses comptes en banque.

J’ai rencontré Ahtisaari, et il voulait vraiment accélérer l’indépendance. Je ne sais pas si c’est lié, en tout cas il me semblait nerveux. Je lui ai dit : « Monsieur Ahtisaari, vous avez fait votre travail de médiateur, votre travail s’arrête donc là : vous n’avez donc pas le droit de soutenir la voie d’une seule partie et donc l’indépendance ». De toute façon, comme je l’ai dit, Monsieur Ahtisaari et son plan sont discrédités aujourd’hui.

Q : Revenons à la proposition de négociations pendant 120 jours, et donc de l’application de l’indépendance au bout de ces 120 jours. Qu’en pensez-vous ?

R : Quelle est la logique d’une telle proposition ? Cela revient à dire aux Albanais : laissez s’écouler tranquillement les 120 jours, vous obtiendrez de toute façon l’indépendance… Quel est l’intérêt de perdre du temps à négocier si la solution est déjà prévue ? On ne doit pas baisser les bras, il faut continuer à négocier, à discuter. A mon avis, nous n’aurons pas de solution avant février, voire mars 2008. Avec la durée de négociation prévue pour 120 jours, nous serons en discussion jusqu’en hiver….

Moi je demande pourquoi avoir voulu imposer l’indépendance en début d’année, via une résolution du Conseil de Sécurité ? Il fallait directement commencer par de


réelles négociations directes entre Belgrade et Pristina, et c’est ce qui se passe en ce moment.

Je vous le répète, la Serbie est ouverte aux négociations et au compromis concernant son territoire. Mais de l’autre côté, les Albanais ne parlent que d’indépendance depuis 1999, et ne veulent rien entendre d’autre…Et après on ose nous dire qu’ils ont une attitude constructive…

Je discutais récemment avec le Représentant albanais de Mitrovica et lui disais que la Serbie était d’accord pour revenir au statut d’avant 1999, en accordant une très grande autonomie. La Serbie a réalisé en effet le premier pas en voulant garantir les droits actuels des Albanais, et en leur accordant plus s’ils le désiraient. J’ai ajouté que les Albanais s’étaient bornés à demander l’indépendance et qu’ils ne voulaient pas négocier. Je lui ai demandé quelle était l’alternative qu’il proposait, il m’a répondu qu’il n’y en avait aucune, que c’était juste l’indépendance. C’est dur de négocier dans ces conditions.

Mais quelqu’un aurait dû aller à Pristina et leur dire : d’accord on vous avait promis l’indépendance, mais la Serbie a fait sortir Milosevic de la vie politique serbe, elle a montré que c’était un pays démocratique. Alors que les Albanais se sont mal comportés après 1999 ; ils ont tué enfants, femmes, vieillards, ont préparé les événements de « Mars 2004 ».

Nous, en tant que citoyens serbes et Etat serbe, nous n’avons pas le droit à l’erreur, il nous faut toujours peser nos mots et réfléchir à chaque acte. Les Albanais sont nerveux, et j’ai peur que le mois d’août débouche sur une guerre des nerfs ; nous craignons une crise. Ce serait le mauvais moment pour un homme politique serbe de faire une déclaration maladroite, du style : « La Serbie a gagné, on a repoussé le projet d’indépendance ». Non, au contraire, ce n’est pas une victoire et nous ne devons pas montrer de l’arrogance. Ce serait l’aboutissement à un compromis, un début de négociation plutôt.

Le plus important est de convaincre la communauté internationale que l’indépendance est une mauvaise solution. A force de contacts réguliers et de réunions, je suis sûr qu’on pourra montrer que ce n’est pas la solution, et que le


Kosovo restera dans les frontières de la Serbie, avec pour garantie tous les droits que les Albanais demandent.

Q : Pensez-vous que les internationaux ont une opinion différente sur la population serbe par rapport à 1999 ?

R : Je vais vous raconter une anecdote à ce sujet. Quinze jours après l’arrivée des soldats français à Mitrovica, en 1999, un Capitaine français nous a avoué, alors que nous étions attablés à un café : « On nous avait dit qu’il existait un peuple mauvais qui tuait, violait, brûlait, expulsait, et un peuple qui fuyait. Et nous, qui arrivions au Kosovo, c’est exactement ce qu’on voyait. Nous nous sommes positionnés auprès du peuple qui fuyait l’autre côté du pont…et sans le savoir j’étais du côté serbe de Mitrovica, et je regardais de l’autre côté du pont, que je pensais être la partie serbe, un peuple qui brûlait et expulsait : c’étaient les Albanais…. »

Quelques mois après, deux ans après, les internationaux connaissaient la vérité. Mais quelques personnes font encore semblant de ne rien savoir, comme Bernard Kouchner ou Marti Ahtisaari.

On a eu une mauvaise expérience avec Kouchner, maintenant qu’il est le Ministre des Affaires étrangères en France, il faut respecter sa fonction. Même Ahtisaari, qui est pourtant le plus grand lobbyiste de l’indépendance du Kosovo-Métochie. En effet, il ne faut pas être fermé à la discussion avec lui, il faut discuter et faire notre possible pour faire entendre notre voix.

Concernant la mauvaise image du peuple serbe, la Serbie a tout fait pour l’améliorer, et montrer que c’était une fausse image et qu’elle était un pays démocratique. Elle a réussi aussi à démontrer la réelle image des Albanais.


Questions : Ivana BACVANSKI, Alexis TROUDE

Traduction : Ivana BACVANSKI



Dusko DRAGOVIC

Président du syndicat des mineurs de Trepca




Zvecan

lundi 16 juillet 2007



Les ressources minières du Kosovo sont connues depuis l’Antiquité et le combinat de Trepca regroupe une quarantaine de sites miniers et plusieurs usines de traitement des minéraux. Le site de Trepca vaudrait, selon le Ministère de l’Energie des Institutions provisoires de Pristina, 13 milliards d’Euros.

Les mines du complexe de Trepca (avec une production de 60 millions de tonnes de minerais non ferreux) et les abondantes ressources en lignite sont l’enjeu de conflits de propriété majeurs entre la « Kosovo Trust Agency » (KTA), chargée des privatisations pour l’ONU, les autorités de Belgrade et les Institutions provisoires de Pristina.

Le Kosovo, et donc Trepca, sont toujours sous la souveraineté de la République de Serbie, mais l'ONU s'est attribué unilatéralement après son arrivée au Kosovo la gestion des biens publics au Kosovo, de « toutes les propriétés appartenant à ou enregistrées au nom de la République fédérale de Yougoslavie ou de la République de Serbie ».

Le complexe de Trepca, un des plus importants sites miniers d’Europe, est ainsi à l’arrêt, alors que se poursuivent des tractations autour de sa privatisation.

Nous rencontrons le Directeur du syndicat du complexe industriel Trepca Nord, Dusko DRAGOVIC, dans une atmosphère de ville-fantôme. L’usine tombe en ruines et les travailleurs attendent un signe pour que reparte la production et pour retourner au travail comme avant.



Q : Nous souhaiterions avoir quelques éléments sur l’histoire du complexe industriel de Trepca.

R : Nous allons commencer avant le début de la guerre en ex-Yougoslavie (avant 1990). Trepca constituait un ensemble industriel où étaient employés environ 6 000 ouvriers. En 1999, les ouvriers albanais ont quitté ce complexe.

Après l’entrée de la KFOR en juin 1999, tous les ouvriers serbes ont repris le travail à la métallurgie de Zvecan. La direction de Trepca n’a pas accepté la décision prise par la KFOR et la MINUK, à la mi-août 2000, d’interdire aux ouvriers de venir travailler pour des raisons écologiques. Selon eux, TREPCA polluait et avait des effets néfastes sur la santé des soldats français de la KFOR. Après des négociations entre la KFOR, la MINUK et la direction de Trepca, il a été décidé qu’environ 1000 ouvriers reviennent travailler.

Le site de TREPCA est divisé en 2 parties : le Sud et le Nord. Au Sud travaillent les Albanais et au Nord les Serbes avec des Roms, des Bochniaques et une dizaine d’Albanais.

A Trepca-Nord travaillent les Serbes, avec la métallurgie de plomb à ZVECAN et les mines de LEPOSAVIC. Le manager au Nord est Jovan DINKIC. Depuis 2002, notre syndicat au Nord a enregistré 3 908 ouvriers ; ces derniers travaillent par roulement puisque seuls 1000 ouvriers sont autorisés à travailler à la fois. Le management et les ouvriers se sont mis d’accord, pour avoir la paix sociale, de faire travailler ces derniers pour 250 DM (125 €) pendant 2 à 3 mois ; les autres pendant ce temps sont payés 60 DM (30 €) en étant au chômage technique. Depuis 7 ans on travaille par roulement de cette façon.

Q : Les ouvriers et employés travaillent combien d’heures par jour ?

Ils travaillent de 7h à 15h, de 15h à 23h ou de 23h à 7h en rotation, c’est-à-dire pendant 2 ou 3 jours.



Q : Comment peut-on vivre avec 30 € par mois?

R : Les gens se débrouillent, ils essayent de trouver un autre job, car ils ne sont pas obligés d’être continuellement présents à Trepca sur leur lieu de travail. Ils essayent de cultiver un lopin de terre pour survivre.

Nous avons aussi environ 500-600 réfugiés qui squattent dans des appartements et dans des centres collectifs. Nous avons ici environs 3 000 ouvriers et en bas à LEPOSAVIC, dans les mines, environ 900 ouvriers.

Q : Qu’est ce qui reste en activité dans ce complexe industriel ?

R : Actuellement, nous ne produisons rien ici, dans la métallurgie à ZVECAN ; dans les mines il y a un peu d’activité… Mais cette activité est en période d’essai, car elle est soumise à l’autorisation des Institutions provisoires de Pristina et de l’inspection des mines de Pristina.

Il y a environ 400 personnes qui y travaillent, grâce au prix des métaux en Bourse qui sont élevés. Ils ont été multipliés par 10 ces dernières années, passant de 200 à 2 000 €, ce qui a rentabilisé l’exploitation.

Q : Est-ce que vous produisez d’autres produits ?

R : Non, à part des concentrés. Il y a aussi le retraitement des déchets métalliques qui ont pris aussi de la valeur et qui se vendent par appels d’offres comme matières premières. Cela permet de nous faire un peu de trésorerie et de nous débarrasser de ces déchets.

Q : Dans les médias français on a appris que Mr. KOUCHNER, lorsqu’il était au Kosovo, voulait privatiser TREPCA. Est-ce que ce projet verra le jour ?

R : Il y a eu une initiative de privatisation, mais vu la situation actuelle, le problème c’est que personne ne sait qui est le propriétaire ou qui sont les actionnaires.


Avant la guerre, la société avait le statut de société par action. Il y avait beaucoup d’actionnaires dont un Français, Jean-Pierre ROZAN, l’un des plus importants. Ce dernier a investi en plaçant son argent par l’intermédiaire de la banque « Yugobanka ». Il y a eu aussi comme actionnaires le Grec MYTILINEOS et le « Fonds pour le Développement de la Serbie ».

Q : Qu’est ce que projette la MINUK pour Trepca ?

R : Je ne connais pas exactement son projet de privatisation, mais à notre avis, il faut environ au minimum 30 millions d’euros pour relancer la production de la métallurgie.

Q : Mais pourquoi il y autant d’intérêt de la part de l’Occident pour Trepca ?

R : Nous ici on ne le voit pas autant, mais on peut supposer que les Occidentaux projettent de remettre le complexe en marche à cause de la rentabilité future du prix du plomb, dont le cours mondial va sûrement continuer à augmenter dans les 10 à 15 ans. Et comme la construction de centrales nucléaires est prévue en Europe du sud-est, cela augmentera la demande de plomb, qui est un isolant de la radioactivité.

Nous avons eu aussi des négociations avec le « Board », créé par le Chef de la MINUK. Ils ont décidé un moratoire sur Trepca, car il y a eu des exigences de dédommagement de la part des actionnaires principaux. Ainsi par exemple l’actionnaire Mytilineos a réclamé 1 Millions d’€, ainsi que Jean-Pierre Rozan. S’ils étaient dédommagés, cela fermerait définitivement Trepca, d’où le moratoire pour essayer de faire fonctionner un peu Trepca.

Nous attendons avec impatience de nouveaux investisseurs pour relancer Trepca et travailler normalement. Avec nos propres moyens nous avons, grâce aux ventes des déchets (poussières de plomb), une ligne de fabrication de fibres qui emploierait 210 personnes. Il nous faut encore une machine, la machine Briquet,



qui se produit en France : son absence empêche le bon fonctionnement de la ligne de fabrication.
Q : Pour revenir aux années 1999- 2000, comment est rentré la KFOR à Trepca ?


R : Un commando d’élite britannique (le 7ème corps) est rentré dans Trepca. Quelques ouvriers se sont rebellés, mais la KFOR a réussi à mettre des fils de fer barbelés autour du complexe.
Q : Y a-t-il eu des blessés ?


R : Non, mais il y a eu plus de blessures légères chez les soldats que chez les ouvriers car ces derniers, je n’étais pas présent, mais on m’a raconté qu’ils leur envoyaient des briques. Cela c’est passé à 3 heures du matin. Après cela, la KFOR a interdit aux ouvriers l’entrée dans le complexe.

Le syndicat a réussi ensuite à faire revenir travailler 1 000 ouvriers, 600 ouvriers ici à Trepca et 400 ouvriers à LEPOSAVIC. On a installé notre sécurité et on a obtenu en 2001 que les soldats de la KFOR se retirent. Sinon ils étaient présents entre 1999 et 2001 partout dans le complexe, même dans les couloirs des bureaux.

Après cette crise, on a commencé à s’organiser entre nous, et on a donné une partie de nos faibles salaires pour embaucher une centaine de personnes qui s’occupent de la restauration du personnel du complexe. Cela a été fait par solidarité, sur l’initiative du Syndicat et en coopération avec la Direction ; comme il n’y a pas de production, on gère le social. En réalité, il y a environ 2 000 personnes de trop pour ce complexe : si on devait licencier et faire fonctionner le complexe (métallurgie et mines) selon les normes du marché, on aurait seulement besoin d’environ 1 200 à 1 300 personnes.



Ce surnombre provient aussi des ouvriers venant des usines du Sud du Kosovo comme ceux de Pec (fabrique d’accumulateurs, usine chimique et de métallurgie du zinc).

Q : On était hier dans le Sud du Kosovo, et on voyait ces fabriques fonctionner. Cela veut-il dire qu’ils ont l’autorisation de la MINUK de travailler et d’investir, alors que vous ne l’avez pas ?

R : En effet, les autorisations sont nécessaires pour le fonctionnement des centrales électriques. Reste à savoir si ces centrales sont rentables et combien elles travaillent, je ne le sais pas. On a reçu par contre 1 millions d’euros d’investissement de la MINUK dans les mines de Trepca pour justement relancer la production des usines du Nord du Kosovo.

Au sujet des ouvriers en sureffectif, on a eu des discussions avec la Banque Mondiale pour mettre en place un plan social. Mais on a fait aussi une enquête sur 200 ouvriers pour savoir ce qu’ils préféraient : être licencié économique ou partir à la retraite. Ceux qui sont âgés sont prêts à accepter de partir en retraite. Les autres sont prêts à partir avec des indemnités de licenciement de 300 à 350 € par année de travail. Ainsi ceux qui totalisent 30 années de travail recevront environ 10 000 €. Mais aux Albanais avaient été proposés 500 € par annuité. Cependant ce projet n’a pas abouti car le Kosovo n’est pas membre de la Banque Mondiale. J’ai proposé que cela passe par la République de Serbie, mais cela n’a pas réussi aussi, étant donné que pour la Serbie, le Kosovo n’existe plus…

Q : Qu’attendez-vous de Belgrade ?

R : Je n’attends rien de Belgrade. On attendait un soutien mais on n’a rien reçu à ce jour, à part des soutiens verbaux. Je ne sais pas s’ils veulent de leur côté prendre l’initiative pour résoudre le problème. Mais nous, on a soumis des projets précis au Ministre serbe de l’Economie et du développement, Mr DINKIC. On



attend qu’il nous appelle… Nous avons été en discussion aussi avec le « Syndicat International de la Métallurgie ».

J’ai l’impression que Belgrade est plus intéressé à soutenir les frais de scolarité et le budget des hôpitaux au Kosovo. Par contre, en ce qui concerne le développement économique, ils veulent que l’on se débrouille tous seuls.

Q : Quand ce combinat a-t-il été créé ?

R : On fête cette année ses 80 ans, donc il a été créé en 1927.

Q : Et au sujet du problème écologique de Trepca ?

R : Ce complexe est vétuste, il y a les déchets, les vieilles machines etc. Moi j’ai été contaminé plusieurs fois par le plomb, et emmené trois fois à l’hôpital de Mitrovica pour être décontaminé.

On est entouré de déchets métallurgiques, à Zvecan et Leposavic.

Il y a 3 000 tonnes de déchets ici. C’est une vraie catastrophe écologique. Ces déchets qui sont entassés se déversent dans la rivière Ibar, et ensuite dans la mer. Mais personne ne veut prendre ce sujet au sérieux.

J’ai grandi ici, l’Ibar était connue pour être une rivière très propre, naturelle, mais cela fait longtemps qu’il n’y a plus de poisson dedans…


Questions, interview : Ivana BACVANSKI, Alexis TROUDE

Traduction : Ivana BACVANSKI, Stéphane IVIC








Ljubinko TODOROVIC

Ombudsperson serbe du Kosovo-Métochie


Pristina,
Mardi 17 juillet 2007



Un « Ombudsman » est un élu du peuple chargé de contrôler le fonctionnement de l’administration et de la justice. Sorte de médiateur, créé en Suède à l’aube du XX° siècle, l’Ombudsman a joué un rôle important pour régler les conflits entre communautés, par exemple entre Afrikaners et Zoulous en Afrique du Sud. Depuis juillet 2000 est établie à Pristina sur le modèle scandinave l’ « Ombudsperson Institution in Kosovo », chargée de centraliser et de répondre aux plaintes des citoyens envers les autorités locales ou internationales du Kosovo. Cette institution représente plusieurs communautés du Kosovo et, à côté d’un représentant albanais, il y a des représentants rom, turc, bochniaque et serbe.

Avant de rencontrer le représentant turc de l’ « Ombudsperson Institution », nous sommes chaleureusement accueillis par le représentant serbe, Ljubinko TODOROVIC. Il nous reçoit longuement avant de faire un déplacement pour suivre une plainte pour usurpation de domicile à Prizren. L’interview se déroule en anglais, en présence d’assistants albanais.

Q : Pouvez-vous vous présenter, et nous dire quelle a été votre carrière ?

R : J’ai accompli mes études secondaires puis ai obtenu mon diplôme d’avocat dans cette ville de Pristina. J’ai ensuite été avocat d’affaires puis Secrétaire général de la municipalité jusqu’au début des années quatre-vingt dix.


A cette époque je n’étais plus d’accord avec le régime Milosevic, qui m’a affecté à une maison de retraite - c’était un placard - ; je devais y rester seulement six mois, mais en fait j’y suis resté jusqu’en 1999.

Malheureusement, le 4 juillet 1999, ce sont « les autres » 1 qui m’ont expulsé : quand la KFOR 2 est arrivée, ils n’ont pas autorisé les Serbes et les communautés non-albanaises à travailler dans la fonction publique de la Province. J’étais à ce moment-là membre du « Comité des Droits de l’Homme de l’ex-Yougoslavie », avec Barbara Davis à sa tête. J’ai été nommé Premier conseiller de l’Ombudsperson en 2000. Nous avons commencé avec 4 dirigeants :

* l’Ombudsperson Marek NOWICKI, de nationalité polonaise ;
* Gornian DOMIAN, de nationalité américaine ;
* Un représentant albanais, Hilmi JASHARI ;
* Un représentant serbe, Ljubinko TODOROVIC .

Dès avant le 5 octobre 2000, j’ai eu des problèmes avec les autorités serbes de Belgrade et je me fâchais souvent avec eux localement ; mais dès le premier jour j’ai travaillé ici, et encore aujourd’hui, je suis à ce poste.

J’ai pris l’habitude d’aller sur le terrain avec Nowicki pour régler les problèmes de circulation entre enclaves.

J’ai plus de 700 pages de rapport là-dessus à votre disposition.

Q : Depuis quand travaille cette institution et quel est le rôle de l’Ombudsperson ?

R : Le bureau de l’ombudsperson au Kosovo a commencé à travailler le 3 octobre 2000. Mais nous avons réellement inauguré le bureau le 21 novembre, jour des Saints-Archanges chez les orthodoxes, c’est-à-dire jour de la vie qui montre notre dynamisme jusqu’à aujourd’hui. L’ombudsperson n’a pas de force militaire à sa disposition et n’a pas vocation à prendre une décision politique.


Mais il peut donner des avis, des conseils et négocier avec les parties en présence. Il a aussi le pouvoir de demander audience au gouvernement afin de faire pression pour qu’il n’y ait plus d’atteinte aux Droits de l’Homme.

L’ombudsperson reçoit des plaintes des individus ou des groupes politiques et associatifs. Plus on en a, plus on travaille : actuellement nous recevons tellement de plaintes que l’on pourrait travailler 24h/24.

Nous rencontrons des problèmes depuis la « kosovisation » des institutions, autrement dit le transfert de compétences aux autorités provisoires de Pristina, c’est-à-dire depuis le 1er janvier 2006. Marek Nowicki, grand combattant des Droits de l’Homme, quitte l’institution à ce moment-là. L’étendue de ses connaissances ainsi que sa neutralité en font un des plus importants personnages en Europe. Notre dernier rapport du 11 juillet 2007 vous montrera la situation préoccupante des droits fondamentaux - droits des minorités, judiciaires, protection de l’enfant- au Kosovo.

Q : Quels sont vos rapports à l’égard des réalisations de l’ONU, avez-vous des problèmes avec l’ONU ?

R : Nous étions sous la responsabilité de l’ONU jusqu’à la « kosovisation » des institutions ; depuis, nous ne dépendons plus de la MINUK3, mais des Institutions provisoires de Pristina4.

Dans ses rapports avec les citoyens et les communautés, notamment la communauté serbe, on peut dire que la mission de la MINUK n’a pas réussi.

Tout au Kosovo a un caractère particulier ; certains droits valent pour la majorité alors que d’autres droits, complètement différents, valent pour la communauté




serbe et pour les communautés minoritaires rom 5, goranie 6, ashkalie, et turque 7. Comment en est-on arrivé là ?

Dans chaque régime existe une institution qui gouverne et une autre qui régule la société ; la communauté serbe n’a pas, à cause du manque de liberté de circulation, d’accès aux organes du pouvoir. Jusqu’à une époque récente, il me fallait une escorte pour aller jusqu’à l’Institution de l’Habitat qui s’occupe de la protection des rapports entre locataires.

Q : Qu’est-ce qui caractérise encore les « double-standards », c’est-à-dire les différents modes de vie, entre les enclaves et le reste du Kosovo ?

R : Dans les enclaves, pour aller d’un point A à un point B, il faut soit prendre un risque, soit être sous escorte. Il n’y a désormais plus d’escorte pour les gens des enclaves. Jusqu’en janvier 2007, c’étaient les autocars de la MINUK qui étaient utilisés ; depuis, ce sont les autorités du Ministère des Transports des Institutions provisoires qui s’en chargent. Mais là encore, si je n’avais pas de voiture de fonction, je ne pourrais pas venir en autocar de Gracanica à Pristina (distants seulement de 3 km), car il n’existe pas encore de ligne régulière publique. Il y a des transports publics organisés par la municipalité de Pristina pour les Albanais, mais pas pour les Serbes ni pour les minorités ethniques. Il y a quelques autocars kosovars qui traversent les enclaves, mais il est risqué de les emprunter et de voyager par ce moyen de transport, car il n’y a aucun mélange entre Albanais et non-Albanais. Il y a également des lignes privées serbes depuis 2000, qui vont des enclaves de Gracanica à Belgrade ou de Strpce à Belgrade, mais sans le droit sur cette dernière ligne de s’arrêter à la gare routière de Gnjilane.



En ce qui concerne les communications, il n’y a aucun lien ni contact entre les anciennes PTT de Serbie et les nouveaux PTK kosovars formés en 2001; par exemple, je ne peux de mon bureau appeler à Pristina ma femme qui est à Gracanica à 3 km. Les services postaux, télégraphiques et de reversement de pensions ne fonctionnent plus entre la Serbie centrale et le Kosovo.

Tout ce qui allait dans le sens de l’indépendance du Kosovo s’est développé, alors que tout ce qui allait dans le sens du statu-quo et des droits des minorités s’est détérioré par l’oubli volontaire des Institutions provisoires.

Le laisser-faire et la passivité vis-à-vis des minorités ont été favorisés par ces Institutions ; la MINUK ne fait qu’observer tranquillement cette situation. On définit cela en droit « non-assistance à personne en danger ».

La responsabilité de cette passivité incombe à la MINUK et à des organes du protectorat comme l’OTAN.

Mais la plus grande responsabilité dans ce chaos incombe à la KFOR lorsqu’elle est arrivée en juin 1999 ; le plus grand nettoyage ethnique, avec le plus grand nombre de meurtres, de destructions de maisons et d’enlèvements de personnes ont eu lieu en 1999. Ce 21 juillet 2007 aura lieu le triste anniversaire de l’assassinat dans leur champ de 11 paysans d’un village près de Lipjan. Un autre exemple significatif : le 19 février dernier, un bus à Starogradsko a été dynamité et a explosé.

Q : Quel est le bilan humain du protectorat international ?

R : Croyez-moi, pour quelqu’un qui s’occupe de la protection de Droits de l’Homme, chaque vie est importante. Mais quand on considère les statistiques sur le nombre des morts et disparus, on peut considérer qu’il y a eu aux alentours de 3.000 morts et disparus Serbes et non-Albanais, contre 5.000 Albanais. Mais la différence réside dans le fait que les premiers ont été tués ou ont disparu sous un protectorat international (1999-2007), alors que les seconds l’ont été sous un




régime autocratique 8 condamné par le monde entier et par moi-même en tant qu’ individu et en tant que Serbe. Ce sont là des différences de taille sur les plans historique et politique.

Sous le régime Milosevic ont disparu des hommes qui avaient auparavant combattu, mais aussi d’autres qui avaient tiré sur la police ou l’armée. Alors que là, sous le protectorat de l’OTAN, qui est la plus importante puissance militaire au monde, se sont répétés des assassinats et des enlèvements d’un autre temps. Vu d’ici, on a l’impression que le cycle de violences ne se terminera jamais au Kosovo.

Q : Quelles sont les plaintes les plus fréquentes que vous recevez et quelles sont les procédures de prise en compte des plaintes ?

R : La communauté serbe du Kosovo est très faiblement organisée, car les cadres ont pour la plupart quitté la Province Autonome en 1999. Les simples gens n’ont personne vers qui se tourner et c’est pourquoi, du fait des difficultés à se déplacer entre les enclaves, les Serbes viennent en grand nombre s’adresser au bureau de l’Ombudsperson. En ce qui concerne les Serbes et les minorités non-albanaises, les plaintes les plus fréquentes concernent la perte et l’occupation illégale de leur propriété, l’usurpation d’appartements ou d’immeubles, la falsification de titres de propriété, la destruction de maisons, la dévastation de terres agricoles.

En ce qui concerne l’emploi, les Albanais se plaignent autant que les Serbes du manque d’emploi et des licenciements, même si les Serbes se présentent moins aux concours, sachant que ceux-ci sont très restrictifs.

Par contre, en ce qui concerne les assistés sociaux et les retraités, le gouvernement de Belgrade n’a jamais cessé d’accorder des aides sociales. Tous les citoyens, même les Albanais, ont continué par exemple à recevoir leurs pensions de retraite de Belgrade ; à partir de l’installation des Institutions provisoires de Pristina, cela n’a plus été le cas, et ces aides ont été freinées.



Le système d’épargne est également bloqué, car la circulation d’argent et l’échange de devises ne fonctionnent plus entre la Serbie centrale et le Kosovo. Par exemple, lorsque mon collègue Hilmi Jashari et moi-même avons donné une conférence au Monténégro, le responsable n’a pas pu nous payer l’indemnité sur place, mais il a fallu tout inscrire sur un compte international. A partir du moment où l’échange de devises, le transfert des salaires et la collecte d’impôts ne fonctionnent plus de façon unitaire sur un même territoire, une règle édictée à

Belgrade ne peut aider un citoyen du Kosovo à aller retirer son épargne en devises. Lorsqu’ils m’ont demandé, à la chancellerie américaine pourquoi la distribution des retraites était mal assurée, j’ai répondu que les autorités qui les distribuent doivent vérifier si le destinataire est toujours vivant ; mais comment l’Etat serbe pourrait-il le vérifier si le retraité est absent du Kosovo, chassé par la communauté internationale en 1999 !

Je ne suis pas partisan d’une redistribution des revenus par Belgrade plutôt que par Pristina, mais le système actuel, par la coupure administrative entre les deux parties, est illogique et représente beaucoup de pertes d’argent.

Q : Comment fonctionnent les tribunaux ? Les plaintes sont-elles toutes honorées ? Comment sont réglées les requêtes des familles de disparus ?

R : Au jour d’aujourd’hui, plus de 18 000 plaintes déposées depuis 1999 pour destruction ou usurpation de propriété par les Serbes et les non-Albanais n’ont pas été traitées. En ce qui concerne les affaires de meurtres ou de disparus, peu de plaintes sont déposées, car les difficultés de circulation entre les enclaves et Pristina empêchent de le faire, or le plus grand nombre de ces affaires se produisent dans les endroits les plus isolés de la Province. Beaucoup de familles ayant perdu leur logement ou un de leurs membres vivent déjà depuis plusieurs années en Serbie centrale et au Monténégro ; et même lorsqu’ ils ont essayé devant des ONG, cela leur a été difficile de déposer une requête.



Même lorsque les plaintes aboutissent dans les tribunaux, l’autre problème qui se pose est le très faible nombre de Serbes parmi les avocats de la défense ; 80 % des avocats sont Albanais. De plus, le paiement des honoraires, de plus en plus élevés, est assez difficile pour les communautés non-albanaises, davantage touchées par le chômage.

Pour les appartements squattés, il est de coutume de verser déjà 5 000 euros au squatter pour qu’il le libère afin qu’on puisse vendre l’appartement. Les prix des appartements ont aussi augmenté avec l’arrivée après 1999 de nombreux étrangers.

Q : Nous avons lu que les élites non-albanaises ont massivement quitté le Kosovo depuis 1999. Est-ce à cause de la situation économique ou pour des problèmes de sécurité ?

R : Ces ingénieurs, professeurs et fonctionnaires se sont trouvés acculés : ils devaient fuir le Kosovo car tout fonctionnaire qui ne parlait pas la langue albanaise devait quitter sont poste. Tout non-Albanais travaillant pour l’Etat a dû partir pour des raisons de sécurité. Par exemple, à Pristina vivaient 45 000 non-Albanais avant 1999, lesquels se répartissaient entre 40 000 Serbes et 5000 Bochniaques, Roms, Ashkalis et Croates ; cela représentait 8000 appartements. Or, aujourd’hui, il ne reste même pas 50 Serbes et 200 autres non-Albanais – essentiellement des Bochniaques, des Turcs et des Ashkalis.

En règle générale, les minorités dans un pays finissent par être absorbées par la majorité sur une longue perspective historique. Mais ici, chez nous, ce processus d’absorption s’est fait du jour au lendemain : qu’une population passe de 40 000 à 50 individus en 6 ans, c’est anormal !







Q : Cela pose donc la question du pouvoir. Qui détient réellement le pouvoir actuellement au Kosovo : la MINUK, l’Union Européenne, la mafia…. ?

R : Je pense que ce sont les clans mafieux, malheureusement. Ils détiennent le pouvoir depuis le début9, et peu de gens l’avaient compris. Moi qui suis né ici, comme tous mes ancêtres, je ressens exactement la structure de cette société et la façon dont elle se développe. Le Kosovo se caractérise par un système dual et ségrégatif, où les Albanais sont majoritairement dans les villes, et les Serbes dans leurs enclaves, sans de véritables contacts.

Pour que vous compreniez, il faut savoir que les Serbes et les Albanais n’ont jamais vécu ensemble, mais ont toujours coexisté. Il y avait une rue serbe qui côtoyait une rue albanaise, un village serbe à côté d’un village albanais ; une entrée d’immeuble majoritairement occupée par des locataires serbes puis une autre par des locataires albanais. Il y avait très peu de couples mixtes, contrairement à ce qui se passait en Bosnie-Herzégovine ou en Croatie. Ici, les mariages mixtes concernaient presque uniquement les nouveaux arrivants.

Mais cela n’empêchait pas d’être toujours dans des rapports de bon voisinage, car chez les Albanais s’imposait le principe du « fis »10. Or, même chez les Serbes jusqu’au XIX° siècle, la société était organisée autour de clans familiaux. Chez les Albanais, ces forts liens claniques sont maintenus encore aujourd’hui ; par exemple, lors d’un accident de la route, on contacte le patriarche qui nous envoie un médiateur puis on parlemente et on paie une somme à la famille.

Mais les rapports serbo-albanais étaient largement meilleurs auparavant, malgré un pouvoir autoritaire11, que maintenant où plus rien ne marche.





Q : Quelle est votre opinion sur le statut final du Kosovo ?

R : Le régime de Milosevic a été condamné car il a fait des erreurs sans cesse renouvelées ; or, l’administration du protectorat fait des erreurs mais personne ne cherche à la condamner. Le satisfecit donné à une situation bancale et non-réglée entraîne le nettoyage ethnique actuel – les réfugiés ne pourront pas retourner dans leurs foyers d’origine. Au cas où on irait jusqu’à l’indépendance, c’est un système qui ne pourra jamais fonctionner chez les Serbes et les minorités ethniques. Les bombardements opérés par la communauté internationale n’ont fait qu’empirer les choses. Tout cela contribue à donner une ambiance d’irréalité ; pour que l’on revienne à la réalité, il faudrait aboutir à quelque chose que tout le monde dit - à Belgrade comme chez nous ici - un compromis, au moins à ce stade des négociations, qui éviterait dans un futur proche que le Kosovo soit « ethniquement pur». Cela signifie que les Albanais détiendraient seuls le gouvernement, mais que nous, Serbes, dans nos enclaves serions liés directement à Belgrade – pour tout ce qui concerne l’éducation, la santé, les droits sociaux. Il faudrait aussi que les libertés fondamentales soient respectées, ce qui faciliterait, en cas d’atteintes aux Droits de l’Homme, la possibilité donnée à tout individu de s’adresser à Belgrade ou à Pristina.

Je pense sincèrement qu’une véritable décision autour du statut sera très difficile, car la communauté internationale n’est pas prête à accepter les principes que je viens d’évoquer. Si elle ne reconnaissait pas l’indépendance, la communauté internationale reconnaîtrait qu’elle a failli.

A mon avis, cela se passera comme cela : les Albanais vont proclamer l’indépendance, Belgrade rejettera cette indépendance, et nous vivrons pendant une certaine période « entre chien et loup » - certains diront que le Kosovo est indépendant, d’autres pas. Ce dualisme, habituel dans les Balkans, va quelque temps bloquer la situation. Cette situation rassure les gens, mais au niveau de l’Etat elle représente un blocage total des institutions.



Q : Nous avons vu lors de notre mission un camp de la MINUK prêt à accueillir une nouvelle vague de réfugiés. Que pensez-vous du plan de l’ONU, déjà annoncé, de préparer l’exode des Serbes et des minorités ?

R : C’est une des questions, liées au problème évoqué précédemment, de l’ambiguïté entre indépendance et autonomie. Moi, je sais très bien, car je circule sur tout le territoire, que ce plan de l’ONU est irréalisable. Mais une des méthodes choisies est d’en parler, pour que cela influe sur l’opinion mondiale pour la préparer. Je vais vous dire ce qu’en pensent les communautés non-albanaises quand je vais sur le terrain : plus l’enclave est petite, plus, en cas d’indépendance, ils auront de chance de quitter le territoire. Comme en 1999-2000, lorsque plus de 200 000 non-Albanais ont été obligés de fuir, ces gens seront frappés par l’exode. Par contre, les populations des plus grandes enclaves vont peut-être pouvoir rester sur place au Kosovo - comme Gracanica, Strpce, Gnjilane. Maintenant, reste à savoir dans quelles conditions ils pourront survivre ; ils resteront peut-être plus longtemps qu’il n’en a fallu pour que les Serbes de Pristina soient quasiment anéantis, mais ce n’est, à mon avis, qu’une question de temps.

Les pogroms des 17-18 mars 2004 – la disparition des Serbes et des minorités non-Albanaises dans les villes –ont été qualifiés d’ « urbicides » par l’intellectuel albanais Veton Surroi. Moi, j’y rajouterai, à cause de l’inertie de la KFOR et de la MINUK et leur absence de programme pour les maintenir, la fuite des populations des plus petites enclaves. La KFOR a rarement été capable de maintenir une famille serbe dans un immeuble habité par des Albanais ou bien une famille bochniaque dans un immeuble habité par des Serbes. C’est pour cette raison qu’a éclaté le 17 mars ; or, la proclamation d’indépendance du Kosovo serait selon moi un « 17 mars bis ».






Q : Quelles sont les relations des minorités comme les Bochniaques, les Turcs ou les Roms avec les Albanais ?

R : Déjà, ils ont plus de liberté de circulation, et ils parlent couramment albanais. Il y a un autre facteur moins visible mais tout aussi important, c’est l’unité religieuse, à travers la pratique commune de l’Islam. Mais, malgré cela, nulle part en Europe une minorité n’a littéralement fondu comme c’est le cas ici des Serbes, des Roms ou des Turcs… Chez vous, en France, les minorités maghrébine ou africaine subiront les mêmes pressions de la mafia ou de certaines collectivités, mais n’auront pas à subir en plus celle de l’Etat. En France, à mon avis, ces minorités peuvent se tourner vers les tribunaux qui vont juger impartialement, alors qu’au Kosovo, l’Etat va plutôt aider une famille albanaise à s’installer là où habitaient par exemple des Serbes avant 1999.

Q : Dans cette perspective, pouvez-vous expliquer les conséquences d’un massacre organisé par les extrémistes albanais, comme celui de Gorazdevac en août 2003 où plusieurs enfants serbes ont été blessés et deux tués ?

R : L’Ombudsperson polonais Nowicki a fait un infarctus à cause de cela. Nowicki, le patriarche12 Artemije et moi-même nous sommes rendus sur place le lendemain

de l’assassinat ; le surlendemain Nowicki était frappé d’un arrêt cardiaque et il s’en est fallu de peu qu’il en meure. Ils ont tué des enfants, et c’est comme si rien ne s’était passé ; au jour d’aujourd’hui, aucun des assassins n’a été retrouvé. Nous avions avec Nowicki posé la question à la MINUK sur l’enquête qui a suivi, mais il ne s’est rien passé. Nous, en tant qu’Ombudsperson, nous avons peu d’influence sur ces événements, et nous avons fait notre rapport comme pour d’autres affaires. Nous n’avons pas le pouvoir d’imposer des conditions à l’enquête, nous devons nous contenter de donner des avis à l’Etat, comme quoi cette situation n’est pas


tenable pour les familles. C’est à l’Etat, ensuite, de trouver un mécanisme qui permettra de porter l’affaire devant les tribunaux ; or là où le bât blesse c’est que l’Etat 13 ne fait rien dans ces cas là.

Le gros problème est que les cadres les plus qualifiés sont partis après 1999 - ils ont dû fuir parce qu’ils étaient souvent pro-Milosevic ; par ailleurs, dans les organes de l’Etat ne travaillent que peu de Serbes ou de représentants des minorités.

Je suis resté dans mes fonctions après 1999 car j’étais un opposant, mais j’ai pu rester aussi parce que j’habitais Gracanica. Si j’avais été à Pristina, il y a de grandes chances que j’aurai dû fuir également. J’ai un appartement à Pristina qui m’a été usurpé et je n’ai toujours pas réussi à le récupérer. Je suis allé faire des démarches chez le Secrétaire général du gouvernement, chez le Ministre de la Justice, chez le Ministre de la Protection sociale - car c’est de ce Ministère que j’avais obtenu l’appartement - ; or, je ne peux pas le récupérer car l’immeuble n’est pas légal pour des raisons techniques. Pourtant, ce sont les autorités de l’époque - d’avant 1999 - qui me l’avaient attribué. Ces autorités ont été remplacées, et les règles ne sont plus les mêmes. Je ne veux pas non plus utiliser ma fonction d’Ombudsperson et organiser une conférence de presse pour le récupérer : ce serait une catastrophe pour cette société.

A travers mon exemple personnel, on peut constater à quel point sont aiguës les questions de propriété au Kosovo.

Q : Notre mission a eu l’occasion de voir les stigmates des bombardements de 1999 et des violences qui ont eu lieu depuis cette date, avec un nombre considérable de maisons détruites. Comment expliquez-vous le silence médiatique en Occident sur la situation réelle du Kosovo ?

R : La corruption est institutionnalisée depuis 1999 et l’Etat fonctionne sur ces bases ; or, les relations sociales fonctionnaient déjà de la même façon avant 1999.


Si les accusations portées ces jours-ci sur le paiement de Marti Ahtisaari par certains groupes se trouvaient réellement fondées, cela voudrait dire que cette corruption touche les plus hautes fonctions de l’Etat. J’ai eu des informations non-vérifiées selon lesquelles William Walker, le Chef de la Mission de l’OSCE en 1999, aurait reçu des sommes importantes. Cela explique sûrement qu’aucun média en Occident n’ait parlé des 11 pauvres paysans serbes tués sur la route des champs. Je comprendrais si régnait ici un Etat-fantoche, mais cela se fait sous les yeux et l’autorité des deux puissances mondiales qui détiennent le pouvoir au Kosovo : l’OTAN et l’ONU. Cela explique que la BBC, CNN ou « Le Monde » ne parlent pas de ces questions. Un exemple concret : le plus grand nombre de réfugiés en Europe se trouve en Serbie centrale (350 000 en 2007), or personne ne parle de cela dans le monde.

Dernière chose : ce qui se passe au Kosovo est le « syndrome croate », comme je l’appelle. Lorsque la Yougoslavie a éclaté en 1991, l’Autriche soutenait la Slovénie ; lorsque la Croatie a déclaré son indépendance, l’Allemagne l’a soutenue ; lors de la guerre en Bosnie-Herzégovine et des bombardements du Kosovo, les Etats-Unis ont soutenu le côté musulman. Or, maintenant, la Russie a décidé de nous soutenir. Mais cela ne veut rien dire soutenir quelqu’un, car tout va revenir comme avant : ce qui s’est passé dans les Balkans au cours des années quatre-vingt dix est la poursuite de la guerre civile durant la Seconde guerre mondiale. Dans cette région, seule la Première guerre mondiale a été une guerre entre nations, alors que la Seconde a été une guerre civile. Or, ces problèmes non-réglés ont de nouveau éclaté dans les années quatre-vingt dix, et je crois qu’ils vont, à un moment où on ne s’y attend pas, éclater de nouveau. Or tout ce qui ne se règle pas aujourd’hui empire.








Q : Une vieille femme serbe a récemment été battue dans la rue à Pristina; qu’en est-il aujourd’hui des poursuites judiciaires ?

R : J’ai confié ce dossier à ma jeune collègue qui est en charge des discriminations au bureau de l’Ombudsperson. Cet acte s’est passé il y a un mois et demi 14.

Nous chercherons d’abord à la Police du KPS15 ce qui s’est exactement passé et pour quelles raisons, puis dans un mois nous établirons un rapport. Ce sont des faits qui malheureusement se produisent partout. Comme à l’habitude c’est le corps d’inspection de la police du KPS qui sera chargé de l’enquête, mais je doute qu’ils aboutissent à quelque chose de concret.

Cette femme serbe vit ici au centre de Pristina dans un couple mixte - son premier mari était albanais -, et elle est restée seule ici après 1999, car elle n’avait nulle part où aller en Serbie centrale. Chaque jour elle vit dans une situation où les autres - les Albanais - peuvent l’observer et lui dire des choses peu amènes ; mais il y a eu en plus cette attaque physique. Une telle attaque de la part d’un garçon de 17-18 ans - c’est un groupe d’adolescents qui l’a brutalisée - sur une vieille femme de 60 ans, est incompréhensible, car il n’y a rien de commun entre elle et lui. Il peut y avoir dans une société citoyenne des échanges verbaux forts, mais que des différences de nationalité aillent jusqu’à l’attaque physique, c’est inacceptable.








Q : Nous avons rencontré hier à Mitrovica une journaliste rom qui a été mise en garde à vue plusieurs heures et molestée par la police KPS. Quels sont vos moyens pour empêcher que cela ne se renouvelle ?

R : Partout, dans le monde, la police abuse parfois de son pouvoir, et en arrive même à violenter ses citoyens. Mais quand il est question, au Kosovo, des relations interethniques, si la police et les citoyens en question ne sont pas de la même nationalité, des problèmes surgissent. De plus, il manque dans la police des hauts gradés bien formés et expérimentés, des Serbes et des représentants des minorités, et pas seulement des Albanais. Nous entretenons de très bonnes relations avec les polices KPS et de la MINUK dans la région de Merdare, parfois même meilleures qu’avec la police serbe de l’autre côté de la limite administrative – car la police de Serbie centrale fonctionne encore comme sous l’ancien régime selon le principe « poursuis le voleur mais ne l’arrête pas ». Autre point positif, les automobilistes n’ont plus depuis deux-trois ans de problèmes avec la police du KPS. Mais, de temps en temps, selon les aléas de la situation politique, la circulation automobile sur le territoire devient difficile. Pour aller à Merdare, je dois mettre les plaques d’immatriculation « KS » du gouvernement de Pristina, puis, pour entrer en Serbie centrale, les plaques « PR » - Pristina - des institutions serbes. Selon les décrets de Kumanovo de 1999, la MINUK autorise cette situation ; mais dans les faits, lorsqu’une des deux polices arrête un automobiliste et vérifie les papiers, elle trouve toujours un motif à chicanerie en jouant sur l’ambiguïté entre les deux plaques. La KFOR a mandaté les Etats-Unis d’Amérique pour la région Sud-Est. Les automobilistes avec les anciennes plaques « GL » -Gnjilane- ont été ceux qui ont été les plus souvent maltraités par la police jusqu’au 17 mars 2004 ; depuis, plus aucun soldat US de la KFOR ne vous crée d’ennuis pour l’utilisation de ces plaques.

Entretien et questions : Ivana BACVANSKI, Alexis TROUDE

Traduction : Alexis TROUDE

Notes : Gilles TROUDE


Murselj HALILI

Président de l’ « Initiative Citoyenne des Goranis »


Dragas

Jeudi 19 juillet 2007




Les Goranis font partie des communautés du Kosovo qui ont beaucoup souffert de l’installation des Institutions provisoires de Pristina. Slaves islamisés, les Goranis parlent serbo-croate et vivent principalement dans la Gora, vallée encaissée à l’extrême sud de la Métochie. Depuis l’arrivée de la KFOR et de l’OTAN, leurs droits culturels et économiques, garantis auparavant par la République de Yougoslavie, ont été supprimés par les autorités albanaises. Cela explique que plus de la moitié de leur communauté ait fui en dehors du Kosovo depuis 1999.

Nous avons rendez-vous sur la place centrale de Dragas, principale ville habitée par les Gorani. Murselj Halili, un leader gorani affable et courtois, nous mène ensuite dans les locaux de l’ « Initiative Citoyenne des Goranis ». C’est en compagnie de plusieurs représentants de cette communauté pittoresque que nous ferons l’interview, puis visiterons des villages typiques de la vallée de la Gora.

Q : Pouvez-vous nous expliquer précisément qui sont les « Goranis » ?

R : Nous faisons partie du GiG, « Initiative Citoyenne des Goranis », et je suis président de ce groupe politique. Il a été formé tout de suite après la guerre, en 2001. Nous étions d’abord une association citoyenne, puis très vite nous sommes devenus un parti politique. Nous représentons l’entité légitime Gorani sur le territoire du Kosovo, à côté d’autres associations communautaires, tels les



Bochniaques représentés par le « Parti Démocratique Watan ». En dehors des partis albanais, ce sont les deux seuls partis à Dragas. Le parti démocratique

Watan défend les intérêts des Bochniaques alors que le GiG défend les intérêts des Goranis.

Les Goranis sont des slaves islamisés. On a des vestiges Goranis depuis le XIII° siècle mais il n’existe pas de trace écrite de leur présence remontant aussi loin. Nous étions une communauté trop petite et absorbée dans l’empire ottoman pour avoir des velléités guerrières. Nous sommes de religion musulmane et je peux affirmer qu’à l’époque communiste comme aujourd’hui, nous n’avons jamais eu de problème pour la pratiquer. Les Goranis viennent de la Gora, cet ensemble montagneux au Sud de la Métochie. Au XVIII° ème siècle, la Gora était formée de 12 villages très liés entre eux. Il faut savoir qu’en 1946 l’assemblée provinciale du Kosovo-Methochie (communiste) a voté une loi sur l’albanisation des familles Goranis : tous les noms en ITCH ont été transformés en I.

Q : Combien y-a-t-il de Goranis ?

R : Ils sont actuellement 25 000 dans la république de Serbie. Il existe aussi une diaspora goranie, qui a de fortes attaches avec cette vallée de la Gora. Il y avait en 1999 à Dragas 50 % de Goranis et 50 % d’Albanais - ce pourcentage se reflétait notamment dans le personnel des usines.

Mais le plus grand mal a été fait pendant les bombardements de 1999 qui ont entraîné des licenciements massifs. Par exemple, l’usine textile de DRAGANEC comptait environ 250 Goranis sur 500 employés avant 1999 : il n’en reste plus aucun aujourd’hui. Un de mes collègues qui a été ingénieur pendant 20 ans dans cette usine a été licencié brutalement en juin 1999 par l’équipe de direction albanaise. L’usine textile s’est arrêtée de fonctionner après 1999, puis a été privatisée. Cependant cette privatisation a consisté à piller un appareil productif de valeur, dans une usine qui était un modèle dans les années 1980.

Un autre combinat industriel de la vallée était SAR PROIZVOD, qui employait une grande partie de la population locale. Ainsi les plantes médicinales étaient


récoltées dans les montagnes alentours, puis transformées en médicaments. Ce combinat possédait aussi un élevage en batterie.

Mais les bombardements de 1999 ont provoqué 8 Millions de Marks (4 millions d’euros) de dommages et la porcherie a été abandonnée depuis.

Prenons l’exemple de l’agriculture : la vallée de la Gora pouvait disposer de 100 000 têtes de bétails et dans un seul combinat étaient élevés 5000 ovins. Ce combinat a été bombardé et depuis 1999 plus rien. Au sommet du massif du Sar avaient été construites 6 étables pour les bêtes : elles aussi ont été détruites par les bombes de l’OTAN.

Q : Quel est le taux de chômage dans la vallée de la Gora aujourd’hui ?

R : Il y a environ 70 à 80 % de chômeurs dans la population active goranie.

Quand l’administration albanaise est arrivée à la tête des entreprises de la vallée après 1999, tous les cadres goranis ont été obligés de quitter leur poste. Prenons l’exemple de la cueillette des myrtilles : on avait l’habitude avant 1999 de récolter pour 150 tonnes par an. De même on travaillait avec un firme allemande qui séchait des plantes médicinales récoltées pour la fabrication de médicament. Or même dans ce cas, les bombardements ont causé des pertes s’élevant à 1 Million de mars (500 000 euros) pour cette firme récemment établie chez nous.

Q : Est-ce que sur les passeports est mentionnée l’identité goranie, comme à l’époque de la Yougoslavie ?

R : Non, mais le nom de la municipalité GORA y figure et on peut en déduire qui nous sommes. Les nouvelles autorités municipales albanaises (depuis 2003) ne sont pas obligées de mentionner le peuple GORANI. Mais nous souhaitons obtenir de leur part une attestation avec nos cachets pour montrer l’appartenance à notre communauté et nous avons écrit à Marti Ahtisaari pour réclamer la gestion de ce service à la commune. Actuellement, le Conseil municipal est composé de 16



Albanais, 3 Bochniaques et seulement 2 Goranis. Nous n’avons aucune chance d’avoir un maire qui défend les intérêts de notre communauté.

Ainsi, pour un Gorani qui revient avec ses enfants d’Autriche, il ne pourrait pas les scolariser dans une école pour les Goranis car l’inscription leur est interdite.

Ces familles sont obligées de s’installer au Monténégro ou en Serbie, au risque de ne jamais revenir. Ainsi l’interdiction de l’école goranie par les Albanais va nous pousser à partir de nous-mêmes sans qu’ils nous maltraitent physiquement (en 2005, les autorités albanaises ont fermé à Dragas une école qui assurait, depuis l’époque titiste, des cours d’histoire et de culture goranis).

Q : Quels étaient les droits des Goranis dans la Yougoslavie Socialiste ?

R : Depuis les années 1940, tous les enfants goranis suivaient les cours en serbo-croate, ce qui a permis la formation de nombreux diplômés. Nous avions des droits étendus, comme tous les autres peuples et minorités dans la Yougoslavie socialiste. La commune de Dragas disposait dans les années 1990 d’une station de radio, « Radio Gora ». La télévision de Pristina émettait des programmes en albanais et en serbe ; mais les Goranis participaient à certaines émissions qui étaient filmées dans la vallée de la Gora.

Depuis 1999, il n’y plus aucun accès des Goranis aux médias officiels du Kosovo, que ce soit à la télévision, à la radio ou dans les journaux. Dans les années 2000/01, il était même risqué pour un Goran de lire « Vecernje Novosti » (Quotidien de Belgrade). Ca s’est calmé depuis, mais les Goranis n’ont toujours pas retrouvé leur radio, alors que la communauté bochniaque de la vallée de Gora dispose elle d’une station de radio, « Radio SAR ».

Sous le régime titiste, nous avions le droit de travailler partout sur le territoire yougoslave. Nous étions connus sur tout le territoire comme des travailleurs honnêtes, dans les métiers de l’artisanat (pâtisserie, boulangerie). Nous avons le plus perdu depuis les guerres yougoslaves des années 1990, car nous ne sommes plus acceptés dans les anciennes républiques sécessionnistes (Slovénie, Croatie et Bosnie). Les Goranis ont perdu leur travail et ont dû partir vers l’Europe en tant


que réfugiés. Une partie de ceux là étaient revenus dans la vallée de Gora, mais en 1999 la guerre les a obligés à s’exiler de nouveau.

Q : Est-ce que les droits de votre communauté sont aussi bien garantis depuis 1999 ?

R : Depuis l’arrivée des forces internationales en juin 1999, les Goranis ont subi de nombreuses menaces et une dizaine d’entre eux ont été assassinés ; malheureusement, personne ne sait par qui. Un Gorani du village de Vraniste est mort sur son lieu de travail : il était de permanence dans la firme « Electro-Kosovo », et on l’a retrouvé mort le matin dans son bureau. Un autre du village de Kurstic, habitant à 10 mètres d’un poste de police, a entendu des bruits suspects devant sa porte : il l’a ouverte et une bombe a explosé en le tuant. Un troisième, du village de Kurtace, qui travaillait dans un dispensaire, a été mitraillé devant sa maison en pleine nuit. Un autre Gorani a été touché, en octobre 2006, dans le village de Rapcic : une explosion s’est produite sur le seuil de sa porte où il y a eu de forts dégâts matériels et des blessés, mais pas de mort.

Malheureusement on ne sait toujours pas, au jour d’aujourd’hui, qui a commandité ces meurtres. Alors qu’avant 1999, il n’y avait jamais de cas de meurtres non résolus.

Ainsi moi-même j’ai été expulsé de mon appartement en juillet 1999. Trois jeunes sont venus frapper à ma porte, - j’en connaissais un par son nom,- vers 15 heures. Ils m’ont donné 40 minutes pour partir avec femme et enfants. Malheureusement, ils ne nous ont même pas laissé prendre nos affaires. Plus tard, en 2005, j’ai pu retrouver mon appartement qui avait été saccagé mais, comme beaucoup d’autres, je n’ai pas pu porter plainte.

Il y a eu environ une trentaine de cas de Goranis qui ont dû entre 1999 et 2006 fuir comme moi du centre de Dragas. On a écrit aux responsables allemands de la KFOR, puis aux responsables turcs qui les ont ensuite remplacé, mais personne n’a réagi. Ils n’ont pas assuré la sécurité à tous, ce qui était pourtant leur mission. Il y a eu également des travailleurs goranis qui ont été expulsés des dispensaires,


des mairies et de la firme « EPS » (système de distribution d’électricité). Certains ont été obligés d’adopter des noms bochniaques pour avoir des postes.

Ainsi, pour travailler à la mairie de Dragas, on doit se déclarer bochniaque. Et encore, cela ne leur permet que d’avoir des postes sous-qualifiés (balayeurs, jardiniers). Avant 1999, quand les Albanais participaient au gouvernement à côté des autres communautés, ce n’était pas le cas. Ainsi il y a eu par exemple un président de la fédération yougoslave qui était un Albanais, Sinan Hassani. Donc même si les Albanais ont dit qu’ils n’avaient pas de droit sous Milosevic, ce n’était pas vrai. Tout le monde avait accès à tout, et les Albanais avaient leur propre université en albanais à Pristina depuis 1968, qui dispensait des cours dans divers disciplines (Droit, Médecine, Economie…).

Les Goranis n’ont jamais provoqué les Albanais et n’ont fait de mal à personne dans les années 1990. Ainsi, dans les écoles primaires de Dragas, les Goranis ont suivi des cours en serbo-croate, les Albanais dans leur langue pendant des décennies. Avec les tensions des années 1980-90, sous les institutions républicaines serbes, les Albanais ont créé des écoles parallèles. Cependant, aucun Goran n’a été mêlé à cette tension entre Serbes et Albanais: les Goranis devaient faire leur service militaire dans la JNA (Armée fédérale yougoslave) et 8 d’entre eux sont morts à Dragas lors des bombardements de 1999. C’était notre obligation dans la constitution yougoslave de servir l’armée. Mais en même temps, nous avions des droits, en particulier le droit à l’éducation. Ainsi, parmi les Goranis, de nombreux experts dans différents domaines sont issus du système éducatif entre 1945 et 1990. Ainsi ce système a permis à notre communauté, relativement pauvre, de suivre des cours gratuitement et d’avoir une élite.

Q : Quelle est la situation de l’éducation des enfants goranis actuellement?

R : Actuellement, quand nous réclamons que les cours dans le primaire soient dispensés en langue serbe, nous sommes mal vus des Albanais. Nous n’avons actuellement plus d’enseignement supérieur dispensé en langue serbo-croate au


Kosovo. Lorsque j’étais jeune, j’avais le choix d’aller à Belgrade, mais j’ai opté pour des cours à l’Université de Pristina car y officiaient de bons professeurs. Maintenant, nos enfants n’ont pas la possibilité d’étudier à Pristina car aucun cours

n’y est plus dispensé en serbo-croate. On ne peut pas demander en serbe une cigarette dans une rue de Pristina. En 2002 un Bulgare a demandé l’heure en serbe et il a été tué. Actuellement, il n’est pas conseillé de parler une langue slave au Kosovo sauf à Prizren où le serbo-croate est toléré, car une longue tradition de multiculturalisme existe.

L’année dernière dans la vallée de la Gora, les Albanais ont interdit aux Goranis de suivre les cours en langue serbe, et 7 enseignants qui refusaient l’albanisation de l’enseignement ont été martyrisés par la municipalité (en septembre 2006, les Institutions provisoires de Pristina ont albanisé entièrement l’enseignement primaire). La communauté goranie a refusé le programme en langue albanaise à l’école primaire ; or on a eu un plébiscite des parents et des enseignants contre ce programme scolaire qui nous a été imposé par Pristina. Nous voulons suivre des cours en langue serbe afin de pouvoir accéder aux études supérieures.

La communauté goranie vivait au début du XX° siècle dans les montagnes de l’élevage et personne n’allait à l’école. Mais après 1945, quand la scolarité est devenue obligatoire pour tout le monde, on a eu la possibilité de suivre une scolarité comme toutes les communautés. Ainsi nous avons de nombreux professeurs et ingénieurs, même un Gorani a pu devenir recteur. Depuis 1999, on revient en arrière : les Goranis ne peuvent plus accéder aux études supérieures et les enfants sont condamnés à travailler dans des emplois sous-qualifiés. Ne pas donner de chances aux enfants de choisir leur métier est une véritable tragédie, surtout quand ils en ont les capacités intellectuelles.

Q : De quel courant musulman appartenez-vous ?

R : Le courant hanafite. Il y a 17 villages goranis au Kosovo, 9 en Albanie et 2 en Macédoine. Avant de parler d’avenir, je souhaiterais résumer notre situation. Les Goranis sont de religion musulmane mais vous ne trouverez jamais parmi eux des


éléments extrémistes. On pratique la religion musulmane pour notre élévation spirituelle.

Q : Comment vous communiquez avec les Goranis d’Albanie et de Macédoine ?

R : Au temps de Tito on pouvait circuler partout, sauf en Albanie à partir de 1948. On n’a pas pu traverser la frontière albanaise jusque dans les années 1990.

Ce qui a créé des différences au sein de notre communauté après tant d’années de séparation et de différence de niveau de vie entre la Yougoslavie et l’Albanie (économie, éducation, construction de maisons, infrastructures).

Actuellement, les frontières sont ouvertes et ne sont pratiquement pas surveillées.

Q : Que s’est-il réellement passé en 1999 ?

R : Nous n’avons eu aucun contact avec les Goranis d’Albanie jusqu’en 1980, même pas de courrier ; les familles ont pu renouer des contacts seulement dans ces années 1980. Depuis 1999, 9 villages soit 10 000 Goranis d’Albanie, peuvent venir maintenant sans passeports ici au Kosovo.

Notre communauté comprenait 18 000 personnes au Kosovo avant 1999 ; elle est tombée à 7000 aujourd’hui avec une tendance à la baisse car il n’y a aucun moyen de trouver du travail depuis 1999. Il n’y aucune embauche par une grande entreprise ; seules des créations de cafés ou de petites boutiques créent des emplois. Ne croyez pas qu’on réfléchisse à la façon des socialistes, en attendant que l’Etat nous propose un emploi. Mais il y a une question de sécurité : personne ne peut garantir la sécurité des biens et des personnes. On peut faire exploser l’entreprise à tout moment : ainsi une station -service détenue par un Gorani, la seule de la région, a été dynamitée en 2005. Il y a une peur permanente.





Q : Des autobus ont été caillassés ces derniers temps. Quelles sont les raisons des attaques de bus régulières par les Albanais?

R : Il y avait des lignes régulières entre Dragas et Belgrade jusqu’en 1999, où il y eu interruption du service. Pour circuler, il fallait aller en voiture particulière à travers le Kosovo et certains faisait payer 70 marks (35 euros), juste pour aller à Mitrovica. Puis des Combi ont fonctionnés pendant 3 à 4 ans. Depuis 2 ans, il y a des lignes régulières d’autobus détenus par des Albanais entre Dragas et le reste de la province. Dans ces autobus, la majorité des voyageurs sont des Goranis, les autres sont des Albanais et des Turcs.

La situation des routes est catastrophique, aucune réparation n’est faite dans les villages goranis depuis 8 ans ; par contre, tout a été goudronné dans la partie albanaise de Dragas.

Ce n’est pas toute la communauté albanaise qui pose problème, ce sont les extrémistes qui sont incontrôlables. Mais les autorités kosovares ne font pas pression pour les contrôler ou pour enquêter. Le problème est qu’il n’y a jamais eu autant de crimes, d’attaques ou de vols ; or aucun d’entre eux n’a pour l’heure été élucidé. Cette absence de justice crée un espace à la manipulation et aux insinuations. Cela crée une peur dans la communauté goranie. Ces meurtres restent sans explication, en dépit de la présence des forces internationales. Des Goranis spoliés de leurs biens immobiliers se retrouvent à la rue. Avant les Goranis partaient travailler en Occident mais ils sont maintenant refoulés car sans papiers. Personne ne se pose la question où ils retournent et dans quelles conditions. Par contre, si on leur donnait la chance d’acquérir un capital et on leur assurait la sécurité au Kosovo, ils seraient prêts à revenir.

Ma paye de professeur d’école primaire était de 70 euros jusqu’en septembre 2006, c’est à peine croyable. La paye moyenne est de 150 à 200 euros. Mon ancien directeur albanais de l’école nous avait fait croire que l’on aurait une augmentation de 7 à 8 fois notre salaire pour atteindre les salaires européens.

Mais lui a pensé que ce serait des salaires de l’Europe occidentale et pas ceux des nouveaux venus, comme les Roumains.


Q : Que ce passerait-il s’il y avait l’indépendance du Kosovo?

R : On a bien suivi le plan Ahtisaari. Le bon côté de ce plan concerne l’éducation. Mais je n’ai pas mandat de ma communauté pour parler de tous les aspects politiques de ce plan.

L’indépendance est une question difficile, car on a une crainte sur la garantie de nos droits, -seraient-ils protégés ?- et aussi sur notre identité -serait-elle suffisamment sauvegardée ?

Ainsi depuis 1999, aucun document juridique n’existe sur la suppression de notre commune mais dans la pratique si. Ainsi sont détournés des fonds pour la réfection des places uniquement dans les villages albanais, mais on fait signer des documents comme s’ils avaient été faits dans des villages goranis. Ce sont surtout les Bochniaques qui usurpent notre identité et font tout ce qu’exigent les Albanais.

Nous cherchons depuis 2004 à gérer notre commune de façon autonome : c’est l’objet de nos requêtes aux autorités kosovars, à la MINUK, au Conseil de l’Europe. Depuis 3 ans nous n’avons eu aucune réponse. Aucune de ces autorités ne nous donne le droit à l’autogestion, or c’est un droit normal et démocratique, qui existait avant 1999.

Ainsi se posent plein de questions sur le comportement de la communauté internationale qui n’obtiennent pas de réponse. Le parti albanais fait croire qu’on est bien intégré dans la communauté albanaise mais que c’est nous qui ne voulons pas et qui sommes manipulés par Belgrade. Ce qui est faux car nous avons participé à toutes les élections et nous payons régulièrement les impôts.

Nous souhaitons en fait étudier dans le système éducatif du Kosovo mais pas en langue bochniaque. Cette différence est importante car en nous imposant la langue bochniaque on veut nous assimiler aux Bochniaques alors que ce ne sont pas nos origines. Les Bochniaques sont de la région de Pec et de Vitomirica.

Questions et entretien : Ivana BACVANSKI, Alexis TROUDE

Traduction : Stéphane IVIC, Alexis TROUDE



Negovan MAVRIC

Représentant de l’ « Association des familles de personnes kidnappées et disparues » pour le secteur de Velika Hoca




Velika Hoca

Vendredi 20 juillet 2007




Il y a toujours 2 300 personnes disparues au Kosovo-Métochie. L’ « Association des familles de personnes kidnappées et disparues » apporte son soutien humanitaire et juridique aux familles de disparus, kidnappés pendant la guerre de 1998 et après l’arrivée des organisations internationales.

L’Association travaille avec les organisations internationales et serbes de défense des Droits de l’Homme pour la recherche des corps.

Q : En France, une famille albanaise d’Orahovac a été médiatisée, la famille Raba. Elle avait fui le Kosovo-Métochie car elle était menacée par l’UCK. Cette famille refusait d’aider l’UCK à brûler des maisons serbes et à tuer des Serbes. Puis elle fut expulsée du territoire français vers le Kosovo fin 2006, et est revenue en France clandestinement. Pourquoi avait-elle peur de l’UCK ?

R : Entre le 17 et le 21 juillet 1998, des hommes albanais de l’UCK venant d’autres régions du Kosovo, notamment de Malisevo, ont pris le contrôle de la ville d’Orahovac pendant cinq jours. Ces cinq jours se sont soldés par des morts et beaucoup de personnes kidnappées. Je tiens à dire que la majorité des Albanais d’Orahovac n’ont pas soutenu l’UCK et leurs agissements.

Quand l’armée (serbe) est intervenue pour stopper l’UCK, une guérilla a éclaté dans les rues de la ville entre les hommes de l’armée et les terroristes de l’UCK.


La population albanaise pour se protéger, voyant la guerre qui se déclenchait dans les rues, avait pris la décision de fuir la ville.

Ce qui s’est passé, c’est que l’UCK a intercepté les Albanais qui fuyaient, pour les empêcher de quitter la ville. Ce n’est pas un hasard si l’UCK a pris le contrôle de cette ville, car Serbes et Albanais vivaient ensemble en paix avant 1998, et les Albanais d’Orahovac ne soutenaient pas l’UCK.

Cet épisode n’est pas connu des médias occidentaux. Il a été dit que l’armée serbe avait attaqué la population albanaise, et que les hommes de l’UCK étaient des libérateurs qui protégeaient la population, ce qui est faux. Au contraire, l’armée a laissé la population partir se protéger des tirs le temps de l’assaut contre les terroristes, et l’UCK a intercepté les Albanais qui tentaient de fuir la zone de combat.

Pendant ces cinq jours, les hommes de l’UCK ont tué plus de 80 personnes dans un lieu nommé « Ploce », lieu justement où l’UCK a intercepté les personnes qui tentaient de fuir. A Orahovac, c’était la guerre. Et cela les anciens de l’UCK ne veulent pas le reconnaître. Des Albanais munis d’armes et venant d’autres endroits du Kosovo, sont entrés dans la ville et l’ont prise d’assaut.

Personne dans la ville n’aurait pu penser qu’un jour il arriverait un tel malheur. Les Albanais et les Serbes ont toujours vécu ensemble ici ; je m’en souviens, tout comme mon père. Il n’y avait pas un seul mariage serbe ou albanais où les deux communautés n’étaient pas conviées.

Je pense que la population serbe a été naïve, elle pensait sincèrement que Serbes et Albanais allaient continuer à vivre ensemble. Comment peut-on penser une seule seconde que la guerre éclaterait alors que nous travaillions ensemble, et que nous faisions la fête ensemble ?

Depuis la guerre, j’ai perdu confiance en les Albanais, c’est comme une trahison.

A savoir qu’ils ont attaqué la ville un vendredi, mais que le plan prévu était d’attaquer le samedi, jour de marché…heureusement que l’attaque ne s’est pas déroulée comme prévu, il y aurait eu beaucoup plus de victimes.



Q : L’UCK a pris d’assaut la ville d’Orahovac et qu’ont-ils fait ?

R : Le problème est que la police (serbe) n’a pas pu réagir, ils étaient trop nombreux et armés jusqu’au dents. En prenant le contrôle de la ville, Orahovac a été coupé du reste du Kosovo, plus aucun contact avec l’extérieur n’était possible.

Les hommes de l’UCK entraient dans les maisons et retenaient les personnes prisonnières. Les personnes kidnappées et exécutées ont été retrouvées dans le charnier de Malisevo, une ville-bastion de l’UCK. L’armée a dû réagir pour rétablir l’ordre et déloger les terroristes de la ville.

Quand je pense que nous allions souvent manger dans un restaurant tenu par un Albanais, on y était très bien accueillis. Nous ne pouvions pas nous douter que c’était le Commandant UCK de la ville...

Q : Votre famille a-t-elle souffert de l’assaut de l’UCK ?

R : Les deux frères de ma femme ont été kidnappés : l’un a été libéré, l’autre a été tué et on a pu retrouver le corps. C’est une chance d’avoir retrouvé le corps, car mieux vaut savoir que la personne est morte, pour pouvoir faire son deuil, que de rester dans l’incertitude. Malheureusement beaucoup de familles attendent encore les corps de leurs disparus.

Ma mère a aussi beaucoup souffert car mon frère a été kidnappé, et elle a fini par en perdre la raison. Un jour on nous a appelés pour nous dire qu’on avait retrouvé son corps, je devrais plutôt dire, une partie de ses os, et ma mère est décédée peu de temps après l’enterrement.

Je veux souligner que ce n’est qu’en 2003 seulement que la MINUK a reconnu qu’il y avait 130 charniers serbes où des Albanais auraient aussi été enterrés.

Notre « Association des familles de kidnappés et de disparus » a pour but de rechercher les corps pour les restituer à leur famille. Nous cherchons les charniers en coopération avec la MINUK, qui a le devoir d’escorter les membres de l’Association jusqu’au lieu présumé être un charnier pour enquêter. Or lorsque



l’Association se doutait qu’il y avait un charnier dans une ville ou un village, la MINUK refusait de nous y rendre en arguant que ce lieu leur était interdit…

Ont-ils peur de découvrir des charniers ? En tout cas sans escorte, notre recherche tombait à l’eau.

Q : Comment avez-vous vécu l’arrivée de la KFOR en 1999 après les bombardements de l’OTAN?

R : En voyant arriver les soldats allemands avec leur arrogance, j’ai su qu’on allait vivre sous un régime d’occupation.

Lorsqu’ils sont arrivés dans le village de Velika Hoca, la population est sortie pour les accueillir, mais eux apparemment avaient peur d’elle, ils avançaient en rang, armes pointées vers nous. Après tous les malheurs et la guerre qu’on avait connus, on ne comprenait pas pourquoi les soldats de l’OTAN entraient dans le village aussi fortement armés et menaçants.

Ils avaient sûrement peur de nous, vu toute la propagande anti-serbe en Occident. Au début, dans le village, on discutait si on devait tous fuir le village ou pas. On aurait pu fuir avec des autobus disponibles dans le village. Moi-même étant conducteur de bus, je conduisais avant la guerre de 1998 les gens qui travaillaient à Orahovac, et j’aurais pu conduire les villageois qui voulaient partir.

Mais je ne voulais pas partir, étant donné que je cherchais les traces de mon frère disparu et que ma belle-sœur était sur le point d’accoucher. Si je n’avais pas connu le malheur dans ma famille, peut-être serais-je parti, qui sait ?

On était réellement sous occupation, mais la population qui était restée voulait malgré tout vivre normalement, alors nous avons repris une vie normale, et 15 jours après l’arrivée des soldats allemands, ils ont bien compris qu’on était inoffensifs. Une fois la méfiance passée, ils ont commencé à se restaurer et à boire dans nos restaurants, et l’animosité envers les villageois avait disparu.




Q : Vous continuez toujours à enquêter sur les kidnappés et les disparus, où en sont les enquêtes ?

R : Il n’y a pas de justice et les plaintes restent lettre morte. Faute de témoins, l’avancement des enquêtes est long : ma famille a beaucoup souffert et pour cette

raison j’aimerais vivre assez longtemps pour voir les criminels punis. Si la justice sur terre n’existe pas, la justice divine finira par rattraper les criminels.

Avant l’assaut de l’UCK, nous vivions en paix. La question est : comment de telles choses peuvent-elles arriver en temps de paix ? Des personnes disparaissaient en allant travailler en ville, en allant au champ, se faisaient kidnapper sur la route, et on ne retrouvait plus leurs traces. Et cela se passa en 1998, mais aussi après l’arrivée de la KFOR…

Interview: Ivana BACVANSKI, Goran STANKOVIC

Traduction: Ivana BACVANSKI

















Publications

du “Collectif Citoyen pour la Paix au Kosovo-Métochie”




















Retour du Kosovo, « CONFLUENCES MEDITERRANNEE »

n° 63 automne 2007

Compte-rendu de la mission citoyenne du Collectif citoyen pour la paix au Kosovo-Métochie, au Kosovo du 13 au 22 juillet 2007.

Aujourd’hui, les Serbes, qui représentent 135 000 habitants sur une population totale de 2 000 000 d’habitants au Kosovo-Métochie, n’ont plus de liberté d’expression : aucune radio ni journal ne sont diffusés en langue serbe dans la province. Obligés de fuir les grandes villes, ils se réfugient dans des enclaves où le droit de circuler se limite à quelques km2 et où les droits économiques et sociaux les plus élémentaires sont bafoués. Les minorités turque, rom, bosniaque et gorani ont vu également leurs droits fortement diminués depuis que l’OTAN et l’ONU gèrent cette province, en accord avec les institutions gouvernementales provisoires de Pristina.

Mitrovïca-Nord

La principale ville regroupant les Serbes du Kosovo-Métochie n’est en fait qu’un faubourg de la municipalité au nord de la rivière Ibar. Constituée de barres d’immeubles HLM abritant surtout des réfugiés serbes, mais aussi les communautés bosniaque et rom, son activité économique est organisée autour de petits commerces montés à la va-vite lors de l’exode du printemps 1999. En effet, les bombardements par l’OTAN cette année là mais aussi l’insécurité développée depuis, ont provoqué un afflux de Serbes venus de Vucitrn, Srbica ou des villages alentours. Les professeurs serbes, turcs et bosniaques de l’université de Pristina se sont déplacés à Mitrovica-Nord avec 8 000 étudiants à l’heure actuelle dans des locaux rudimentaires éparpillés dans les faubourgs.

Dans cette partie nord de Mitrovica se mêlent plusieurs sentiments. D’abord une

vitalité et une énergie déployée par ces déplacés serbes pour survivre.

Les métiers vont de la gestion des boutiques, cafés et autres restaurants à ceux offerts par la présence internationale - traducteurs, chauffeurs, etc. - en passant par les emplois administratifs serbes à l’hôpital ou la mairie. Mais l’autre sentiment est celui d’un immense gâchis, à la fois culturel, social, économique et politique. Alors que les centrales électriques d’Obilic marchent à plein de l’autre côté de l’Ibar, l’imposant combinat sidérurgique de Trepca est le symbole même de l’ineptie de la communauté internationale. Lové sur le cours de la Bistrica, entre Mitrovica et Zvecan, cet ancien fleuron de l’aciérie yougoslave n’est que désolation et tristesse : wagons de marchandises bloqués depuis 1999, chaudrons rongés par la rouille cl bâtiments portant les stigmates d’affrontements à l’été 1999 entre les ouvriers et les soldats bengalis et pakistanais de l’ONU.

Dans l’attente d’un repreneur, le président du syndicat Dusko Dragovic nous explique que pour maintenir une activité, le combinat s’est tourné depuis 2001 vers le recyclage de métaux usés, ce qui permet à plusieurs centaines d’ouvriers de maintenir la fiction d’un emploi - en fait un chômage technique payé 30 euros par mois, juste de quoi acheter la viande pour la semaine. Le contraste est saisissant avec la présence dans les bureaux et sur le site industriel de dizaines d’« experts » finlandais, allemands ou croates, en cravate et dossier à la main, payés 3 à 4 000 euros par mois pour donner des avis qui pour l’instant ne sont pas appliqués. Sans parler de la catastrophe écologique qui ne semble pas inquiéter la communauté internationale : 300 tonnes au bas mot de lignite s’écoulant à la moindre pluie dans la Bistrica. L’autre ineptie à Milrovica est celte omniprésence internationale qui pourrait faire croire à un danger permanent. Terrasses de café occupées par des bataillons français dès le matin, patrouilles par groupes de trois de la KFOR allemande dans les faubourgs les plus reculés, sans aucun intérêt stratégique, déploiement de véhicules blindés aux carrefours importants : on se croirait dans un pays en guerre ! Plus choquant encore est la désinvolture de ces forces de la KFOR : il n’est pas rare de voir débarquer minuit passé dans un pub de la ville un

bataillon belge, comme en pays conquis mais ayant une crainte infondée de la population, fusil maintenu en position de tir. Et sur le fameux pont faisant la jonction entre les deux parties de la ville, le déploiement de jeeps de l’ONU et de la KFOR n’ôte pas l’impression que tout peut éclater à n’importe quel moment. Quand nous avons demandé à Nebojsa Jovic, représentant du Conseil national serbe de Milrovica, si la situation s’était calmée, il nous a répondu : « Avant les émeutes de mars 2004, ta situation paraissait apaisée et, comme aujourd’hui aucun incident n’avait été signalé pendant plusieurs mois ; or il y a ru ensuite re déferlement de violence anti-serbe -600 maisons détruites et 22 morts serbes dans toute ta province. Il faut donc s’attendre à tout et parer à toute nouvelle violence. »

Mitrovica-Sud

Passés de l’autre côté de l’ibar, nous sommes surpris par la foule pléthorique et jeune qui se promène sur les grandes artères ou aux abords du marché central. La municipalité de Milrovica est réellement ici, avec toutes les infrastructures administratives, sanitaires et de communication. Les sièges principaux de la Minuit, de l’OSCE et de la KFOR y sont aussi, mais retranchés derrière leurs barbelés. Ici, les soldats français sont invisibles aux terrasses de café et les contingents de la KFOR pas¬sent rapidement à travers la ville, en formation porc-épic ou bien dans des camions protégés par un double grillage. La veille à Istok, un village à l’est de Mitrovica, une jeep de la MINUK a été attaquée par des terroristes albanais. On sent partout une méfiance à l’égard des représentants de la communauté internationale, considérés par les plus radicaux comme freinant le processus d’indépendance. Partout sur les murs de la ville, des inscriptions réclamant l’indépendance sans négociation avec les Serbes, mais aussi des drapeaux ou des symboles américains, marquent bien l’affection portée par les Albanais du Kosovo à ceux qu’ils considèrent comme leurs protecteurs.


La Drenica et Decani

Pour aller au monastère de Visoki Decani, nous traversons la Drenica et sommes frappés par les traces évidentes de la guerre de 1998-99. Des maisons éventrées par les bombardements aériens de l’Otan, d’autres brûlées par les forces serbes et ensuite par l’UCK, mais surtout une multitude de maisons et propriétés, souvent serbes, qui depuis 1999 sont dépouillées de leurs biens et où la population locale se sert allègrement des briques pour construire ses propres maisons. Plus inquiétant, surtout aux abords de Klina et de Pec/Pej, des monuments, à l’entrée de presque chaque village, à la gloire de l’UCK. Cela pourrait prêter à rire si ces « héros » de la cause nationale albanaise n’étaient des terroristes avérés : 1 350 assassinats entre 1999 et 2005. Dans le village même de Decani, les murs des maisons et le cimetière municipal sont entièrement recouverts de grandes fresques à la gloire de ces « héros » de l’UCK.

Pour entrer au monastère de Decani, c’est plus difficile que de pénétrer à Fort Knox. Contrôle à deux reprises des passeports, postes d’observation et dispositif anti-char : en juin, le monastère a été la cible de tirs de roquettes et le contingent italien est très nerveux. Le moine Sava Janjic nous accueille chaleureusement et, malgré cette pression autour du monastère et la fuite totale des Serbes de la région, il croit encore en la conservation d’un des joyaux de l’art médiéval serbe, classé patrimoine de l’Unesco.

Pristina

Sur la route entre Mitrovica et Pristina, des patrouilles incessantes de la KFOR, de la MINUK et du KPS « verrouillent » le système de sécurité : on sent bien que la communauté internationale ne peut plus se permettre un nouveau pogrom anti-serbe comme en mars 2004. Plus frappantes sont les innombrables constructions de villas surgies de terre comme des champignons et qui se suivent jusqu’à Pristina : entre Pristina et Gracanica, des gathed-cities, initiées par la nomenklatura

albanaise du temps de Rugova, faites de constructions albanaises flambant neuves à l’endroit où des maisons serbes sont occupées par des familles albanaises, comme à Vutitrn, ou à côté de nombreuse localités où les maisons possédées par les Serbes ont été laissées à l’abandon, comme à Obilc. On sent ici la tactique albanaise d’occupation du terrain, par le radial de possessions serbes, ou par la terreur amenant un exode massif : entre 1999 et aujourd’hui, 250 000 non-Albanais ont dû fuir le Kosovo-Mélochie.

On pourrait croire aussi que l’économie kosovare est florissante, à la vue des tout nouveaux hôtels, casinos et autres piscines construits le long des grands axes. Mais ces constructions, tournées vers un tourisme encore à l’état de bourgeon, ne permettent pas d’endiguer un chômage de 65 % de la population active totale, 83 % chez les 18-30 ans. Comme nous l’a confié Pascale Delpedi, attachée de (Coopération et d’Action culturelle au bureau de liaison de la France : « Ce n’est que du blanchiment d’argent ». En effet, le Kosovo est la plaque tournante de la drogue en Europe - 80 % de l’héroïne y passe - et les mafias albanaises ont plus vile fait d’ouvrir une station-service ou un hôtel qu’une usine. Mais ces mafias font bien attention d’en confier la gestion unique à des Albanais : la preuve en est l’explosion début juillet d’une station essence tenue par un Serbe à Novo Selo. Celle politique de terreur explique que sur 720 000 habitants à Pristina, seuls 37 Serbes survivent. Ils étaient 70 000 en 1999. Terreur qui explique que l’université à Pristina, qui dispensait des cours en albanais, serbe et turc jusqu’en 1999, ne le fasse plus qu’en albanais. Les principaux problèmes rencontrés par les 21 communautés ethniques sont les occupations de terres, violences physiques ou kidnappings (il y a eu I 700 disparus au Kosovo depuis 1999).

Strpce

A l’extrême sud du Kosovo survivent près de 12 000 Serbes dans des conditions économiques el sécuritaires indignes de l’Europe. Depuis 1999, 17 Serbes ont été exécutés par des extrémistes albanais, dans les travaux des champs ou sur la

route de l’école. Stanko Jokavljevic, maire de la commune, nous a affirmé qu’aucun des auteurs des 17 assassinats n’a été à ce jour identifié, mais aussi que les plaintes déposées par les Serbes, surtout pour occupation illégale de terres par les Albanais, n’ont jamais eu gain de cause auprès du bureau local de la MINUK. Alors que la municipalité de Strpce a dû accueillir un nombre considérable de réfugiés serbes d’Urosevac, Pristina ou Gnjilane, l’économie locale reste moribonde. Ces réfugiés vivotent grâce à l’aide humanitaire de Belgrade dans des centres et des hôtels désaffectés en amont de la bourgade.

Avant 1999, l’industrie du bois et surtout la station de ski de Brezovica assuraient un revenu confortable aux habitants de la commune. Aujourd’hui, seul le petit commerce et les emplois administra¬tifs subsistent. Rattachés à la centrale thermique contrôlée par les Albanais, les habitants de Strpce doivent se débrouiller avec de l’électricité fournie trois fois une heure dans la journée. Le chauffage électrique a été remplacé ces dernières années par le chauffage au bois.

Prizren

En descendant vers la vallée, dans un paysage splendide mais très loin des axes touristiques, des complexes hôteliers à faire pâlir nos meilleurs spécialistes du tourisme : argent de la diaspora ou des mafias ? Chaque village a sa spécificité. Le maire bosniaque de Sivinje/ Shivinjan - les Bosniaques sont 60 000 au Kosovo - a refusé l’albanisation de l’enseignement afin de maintenir la cohésion dans son village entre communautés bosniaque et serbe, parlant toutes deux le serbo-croate.

Ancienne capitale du tsar Dusan, d’où la forteresse qui surplombe encore la ville, Prizren ne compte pas moins de 35 églises et monastères orthodoxes, pour 220 000 habitants. Or, en mars 2004, un déferlement de violence a vu des milliers de manifestants albanais, des¬cendre vers le quartier serbe et brûler des dizaines de maisons. En plein coeur de l’Europe, la ville porte encore les stigmates de ce

pogrom d’un autre âge, avec des toits éventrés, des façades calcinées. II ne reste qu’une vingtaine de Serbes dans une ville pourtant jusque-là réputée pour sa multiculturalité, où Albanais, Goranis, Turcs, Bosniaques et Serbes se côtoyaient. Mais quel fut notre choc à la vue de ces églises elles aussi touchées par les actes barbares de mars 2004, mais aussi et surtout entourées de fils de fer barbelés : aucune d’entre elles ne peut être visitée et les soldats allemands de la KFOR ont ordre de refouler toute personne s’en approchant.

Dragas

Ce ne sont pas seulement les Serbes qui souffrent des violences et exactions dos radicaux albanais. Dans la vallée la plus méridionale du Kosovo se trouvent les Goranis, des Slaves islamisés aux 17ème et 18ème siècles. Nous avons rendez-vous avec Murselj Halili, président du GIG (limitative Citoyenne des Goranis), dans la principale ville des Goranis. Halili nous explique que les Albanais, déplorant une forte activité démographique, sont devenus majoritaires il y a peu dans la ville, ce qui leur a permis d’élire un maire albanais. Le problème est que s’en sont suivis des heurts violents pendant quelques semaines, qui ont nécessité la venue des troupes turques. Malgré leur présence au centre-ville, les radicaux albanais pratiquent, comme à l’égard des Serbes ou des Turcs, la politique de la terreur avec menaces et parfois passages à l’acte : tabassages à la sortie de l’école, lancers de grenades. Le résultat de celte tactique bien organisée est le grignotage du territoire : les Goranis se trouvent acculés dans un quartier restreint de la ville, alors qu’il y a à peine dix ans ils représentaient les trois-quarts de la population.

L’autre arme politique des radicaux albanais est d’ordre sémantique. Toute la toponymie serbe a été rebaptisée sur tout le territoire du Kosovo-Métochie. Dragas, le nom historique de la principale ville des Goranis, reconnu même par le pouvoir communiste pendant plus de 50 ans, a été rebaptisé Sharri ! Une véritable guerre des noms s’opère au Kosovo, afin d’effacer toute trace des cultures serbe, goranie ou turque. Ies discriminations à l’emploi sont fortes en ce qui concerne les Goranis

à qui les autorités albanaises préfèrent des Albanais à qualification égale. Dans les écoles, la culture goranie est respectée mais il n’existe aucun journal ou radio gorani, contrairement aux années 1990. Halili et ses amis nous ont montré ensuite quelques villages goranis aux alentours de Dragas, frappés par la crise économique. Dans les faubourgs de Dragas, le même phénomène qu’à Mitrovica : plusieurs usines qui faisaient la fierté des locaux ne fonctionnent plus depuis les années 1990, et les bombardements de l’OTAN en 1999 n’ont pas arrangé les choses. Halili a voulu nous montrer la résistance des Goranis à l’oppression albanaise : une école privée dans une ancienne villa où l’enseignement ne suit pas les programmes d’histoire dictés par Pristina, mais comme avant 1999, se fait autour du respect de la culture goranie.

L’enclave d’Orahovac

Notre séjour dans la province serbe se termine par la visite des plus petites enclaves serbes, isolées dans les plaines de Métochie et éloignées des grands axes de communication. Au bout d’une vallée ondoyante, nous arrivons à Orahovac. La municipalité est en très grande majorité albanaise, mais il subsiste un quartier serbe accroché aux collines. Deux rues, une école primaire, l’église et quelques commerces : voilà le péri¬mètre où depuis huit ans végètent les Serbes d’Orahovac. Un tank autrichien est posté à l’intersection des deux rues, comme pour mieux surveiller toute intrusion ; mais cela n’empêche pas les extrémistes albanais de s’en donner à coeur joie. Sur la route reliant Orahovac aux vignobles environnants, il ne se passe pas un mois sans qu’il y ait des grenades lancées sur les maisons aux limites du village. Dans ce quartier, ce ne sont que maisons aux toits défoncés, voitures calcinées et chiens errants. Encore plus lourde est l’ambiance de vexations quotidiennes dans laquelle vivent les Serbes d’Orahovac. De peur de ne pas être bien soignés, ils doivent traverser presque toute la Métochie pour aller se faire soigner à Pristina, voire à Mitrovica-Nord - plus de 80 km de petites routes. •


« L’indépendance du Kosovo, rêve des Albanais, cauchemar pour les Serbes »

Reportage France-SOIR, août 2007

Alexandre del Valle*




L’envoyé spécial de l’ONU au Kosovo, Martti Ahtisaari, a récemment proposé de séparer le Kosovo de la Serbie, véritable acte de naissance d’un nouvel Etat sur des bases démographiques permis par la défaite de la Yougoslavie face aux forces occidentalo-américaines en 1999.

Mais sur le plan du droit international, ce nouvel Etat violerait la résolution 1244 de l’ONU16 qui préconisait le maintien de la Province du Kosovo, certes peuplé à 85 % d’Albanais, mais cœur historique de la Serbie et de l’Eglise orthodoxe serbe, dans le giron serbo-yougoslave, c'est-à-dire dans les frontières internationalement reconnues de la Serbie. L’Espagne, la France et la Grande Bretagne soutiennent la proposition d’Ahtisaari, appuyée par les Etats-Unis, qui abritent depuis longue date un lobby albanais-anti-serbe influent, tandis Moscou envisage de bloquer la proposition d’indépendance par son véto à l’ONU. Autre problème, moral cette fois-ci : une récente note des services secrets allemands, le BND, rédigé par le Général de Brigade Luke Neiman, a révélé que M. Ahtisaari, lié aux leaders séparatistes Albanais, aurait reçu de ces derniers des sommes d’argent considérables. En attendant de voir si ces rumeurs qui font actuellement scandale en Allemagne sont fondées, la perspective d’indépendance du Kosovo risque de raviver la crise déjà ouverte entre la Russie et l’Occident. D’autant que les Etats-Unis sont prêts à l’imposer aux Serbes et aux Russes en contournant l’ONU.


Or cette perspective inquiète les non-Albanais du Kosovo, victimes depuis 1999 d’une épuration ethnique qui ne dit pas son nom.

Interviewé par nos correspondants, Marko JAKŠIĆ, Président du Conseil National serbe, explique que « depuis que les Albanais tiennent la justice et la police, c’est le chaos. La défense des Serbes n’a pas été réalisée. Depuis 1999 et l’arrivée des forces internationales au Kosovo, au moins 2500 Serbes ont été assassinés par les extrémistes albanais ; or moins de 2500 Albanais sont décédés au moment des bombardements du printemps 1999 ». Déplorant le manque de sécurité régnant partout au Kosovo-Métochie17 depuis que les Albanais ont pris le contrôle de la province, Jaksic déplore le fait que les églises orthodoxes serbes ont toutes été détruites ou brûlées dans la partie Sud de la ville de Mitrovica (zone albanaise), alors que 40 mosquées y ont été construites depuis 1999. « L’exode des Serbes n’est pas nouveau. La bourgade de Srbica comptait en 1978 2000 âmes, dont 45 % de Serbes. Rebaptisée Skenderaj par les Albanais, Srbica a été vidée de tous ses Serbes ».

Membre de la Présidence du Conseil National Serbe de Mitroviça et Président de l’Association des expulsés du Kosovo-Métochie, Nebojsa Jovic, interlocuteur pour les questions de sécurité auprès de la MINUK18 et de la KFOR19, explique que les Serbes du Kosovo, malgré la présence de la KFOR et de la MINUK, craignent de nouvelles émeutes anti-serbes comme celles des 17 et 18 mars 2004, où des Serbes avaient été lynchés par des nationalistes albanais. « La sécurité dépend de la MINUK et de la KFOR, pour moi, il est suspect qu’ils n’arrivent pas à empêcher des incidents. Concernant les pogroms anti-serbes impunis commis par les Albanophones depuis 1999, Jovic explique que « le plus grand nombre de crimes



albanais a eu lieu pendant les huit ans de « paix » sous administration internationale... Les Albanais expulsés après un an de guerre (1998-1999) entre la police serbe et les extrémistes séparatistes albanais ont pu revenir au Kosovo. Mais huit ans après, on ne donne pas le droit aux 250 000 Serbes et non-Albanais de revenir ».

Concernant les négociations en cours entre Albanais et Serbes, Jovic, qui est un ancien militant démocrate anti-Milosevic, estime qu’il faut les encourager et les poursuive plus que jamais, mais il demandait récemment à M. Ruecker, le Chef de la MINUK « pourquoi il n’avait pas dit au Conseil de Sécurité de l’ONU qu’il était beaucoup trop tôt pour discuter du statut, alors qu’il existe encore des crimes, agressions, expulsions, et toujours 250 000 personnes (majoritairement serbes) qui ne peuvent revenir au Kosovo ».

Concernant le plan Ahtisaari qui justifie l’indépendance du Kosovo par la menace des Albanais de recourir à la violence s’ils n’obtiennent pas l’indépendance, Jovic estime que « c’est un peu comme si les Serbes menaçaient de répandre le chaos au cas où le Kosovo-Métochie ne restait pas en territoire serbe. C’est un non-sens ».

Face au blocage russe et serbe, les négociateurs de la Troïka20 et de l’ONU ont décidé de prolonger les négociations à 120 jours, sachant que l’indépendance demeure à terme promise à Pristina. Les leaders serbes du Kosovo comme Jovic se demandent ce qu’il va se passer lorsque l’indépendance sera déclarée unilatéralement sans l’aval du Conseil de Sécurité de l’ONU et que certains pays reconnaîtront le nouvel Etat qui rêve d’être rattaché à l’Albanie. « La résolution 1244 n’existera plus de facto et en absence de résolution, la Serbie devra faire revenir ses institutions, comme la police, l’armée, et donc revenir à la situation d’avant la Résolution, c’est-à-dire avant 1999, on aura une situation pire que celle


d’avant 1999 ». La communauté internationale ne se rend pas compte du danger de la reconnaissance unilatérale, qui revient à expulser la population serbe et les autres non-Albanais du Kosovo». (Concernant la partition) Pour Jovic, « il n’y a pas de raison pour la Serbie d’accepter une telle solution, car elle se séparerait d’une partie de son territoire ». Il assure que « les Serbes sont prêts à vivre avec les Albanais, mais pas à déchirer le Kosovo et à donner un territoire qui n’a jamais appartenu aux Albanais ». Excluant la partition et l’indépendance, Jovic et Jaksic plaident en faveur du retour à la solution de l’autonomie, en vigueur avant 1989. « Si la Serbie garantit tous les droits aux Albanais, pourquoi demanderaient-ils l’indépendance ? Si les Albanais le désirent, ils pourront participer à la vie politique de Serbie, avoir une représentation à hauteur de 20% au Parlement Serbe, ce qui énorme. Il faut continuer à négocier. A mon avis, nous n’aurons pas de solution avant février, voire mars 2008… ». Suite au prochain épisode.

* Interviews réalisées par Ivana Bacvanski et Alexis Troude du Collectif Citoyen pour la Paix au Kosovo-Métochie, et traduites par Ivana Bacvanski.

Voir Le Collectif Citoyen pour la Paix au Kosovo-Métochie

www.collectif-kosovo.com.

















Sept bonnes raisons de rejeter l’indépendance du Kosovo

Argumentaire publié dans la « Lettre de l’indépendant », janvier 2008

Alexis Troude




1- Pour la première fois dans l’histoire contemporaine, un peuple, les Albanais, aurait deux Etats, l’Albanie et le Kosovo. En outre, le Kosovo, qui n’a jamais été un Etat dans son histoire mais une partie de l’Etat serbe médiéval, de l’Empire ottoman et de la Yougoslavie, se verrait doter de tous les organes d’un Etat moderne : pour la première fois en temps de paix, la scission d’un territoire sans précédent étatique serait reconnue. Tout le système basé sur la Conférence d’Helsinki, assurant l’intégrité territoriale et l’inviolabilité des frontières, volerait ainsi en éclat. Plus largement, à l’heure où tous les pays des Balkans occidentaux sont en train de négocier leur entrée dans l’UE, l’indépendance du Kosovo, largement soutenue par les USA, entraînerait une zone de tension permanente en Europe du sud-est. La Serbie étant le moteur de l’intégration européenne des Balkans occidentaux, si elle tourne le dos à l’intégration euro-atlantique après la séparation de 15% de son territoire, c’est à un arc de crise que devra faire face l’UE, avec pour conséquence un frein mis à l’intégration de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro et de la Macédoine. L’UE ne doit pas jouer le jeu des Américains ; elle devrait donc s’efforcer à trouver un compromis entre Belgrade et Pristina.

2- En second lieu, l’indépendance octroyée aux dirigeants des Institutions Provisoires de Pristina équivaudrait à donner un satisfecit à une politique calamiteuse menée par des criminels de guerre. Le Premier ministre actuel, Agim Ceku, a été poursuivi par Interpol en 2004 pour assassinat de civils durant la guerre du Kosovo de 1998 ; le dirigeant du parti « Alliance pour l’Avenir du Kosovo » et ex-Premier Ministre, Ramush Haradinaj, s’est engagé dans la campagne pour les élections législatives du 17 novembre prochain, alors qu’il est toujours inculpé par le TPIY pour crimes de guerre. Le Kosovo est la plaque



tournante de l’esclavage sexuel et du trafic de drogue en Europe : 100 000 jeunes femmes destinées au marché européen sont passées par le Kosovo, 80 % de l’héroïne consommé en Europe de l’ouest en provient. Sans parler du trafic d’armes encore prolifique dans un Etat de non-droit, où plus de 18 000 plaintes déposées par les non-Albanais depuis 1999, pour destruction ou usurpation de propriété, n’ont pas été traitées. L’indépendance aboutirait à un Etat faible, fondé sur le non-droit et incapable d’assurer les droits les plus élémentaires à ses citoyens.

3- Donner l’indépendance équivaudrait à reconnaître une situation économique et sociale catastrophique. Après huit ans d’administration onusienne, 60 % de la population active est au chômage, l’espérance de vie est la plus basse d’Europe et 36 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Malgré près de 3 milliards de dollars d’aide internationale allouée à l’équivalent de deux départements français, une seule centrale électrique fonctionne et nombre de mines et d’usines n’ont toujours pas redémarré ; en 2006 les coupures de courant ont dépassé les 100 jours dans l’année et nombre de villages isolés n’ont l’électricité qu’une heure par jour. Or l’indépendance couperait le Kosovo de ses approvisionnements énergétiques traditionnels venant de Serbie, mais aussi du corridor paneuropéen 10 ; le commerce, déjà largement déficitaire avec les pays voisins, serait anéanti. Le Kosovo serait une sorte de trou noir des Balkans, complètement coupé de son débouché naturel, la Serbie, ce qui lui empêcherait tout lien avec l’Europe centrale et occidentale.

4- Donner l’indépendance serait aussi cautionner un nettoyage ethnique de fait à l’encontre des non-Albanais. Entre 1999 et 2007, sur les 235 000 Serbes, Roms, Goranis et Turcs chassés du Kosovo après les accords de Kumanovo, seuls 12 000 ont pu revenir dans leurs foyers, 2 000 non-Albanais ont été assassinés et 3200 kidnappés. Plus de 156 églises et monastères orthodoxes ont été détruits, 40 000 maisons brûlées ou détruites à l’explosif. Malgré la présence de 16 500 soldats de la KFOR, les exactions à l’encontre des communautés non-albanaises


continuent : le 5 novembre 2007, le directeur de l’ONG « Children’s joy » Zoran Maksimovic a reçu pour la troisième fois en deux mois des tirs de rafale sur sa maison, alors que début juin une femme serbe de 60 ans avait été molestée en plein centre de Pristina. Les extrémistes albanais détruisent même les stations-essence possédées par des Serbes : le but est bien d’éradiquer toute présence non-albanaise. Il ne reste plus un Serbe à Gnjilane où ils étaient 8000 en 1999 ; ils sont 44 à Pristina, au lieu de 40 000 en 1999. Or ce nationalisme albanais exacerbé se fait aussi à l’encontre des autres communautés : le 1° septembre dernier, la tombe de Mourat, ce sultan turc qui avait été tué par le Serbe Milos Obilic lors de la Bataille du Kosovo, a été dynamitée par les extrémistes albanais. Le leader des Slaves islamisés de la vallée de la Gora, Murselj Halili, a été sommé en 2004 de quitter dans la nuit son appartement par des hommes encagoulés. En cas d’indépendance du Kosovo, il est à craindre que des cohortes de réfugiés serbes, roms, turcs ou bosniaques viennent se déverser aux portes de l’Europe.

5- Un véritable apartheid existe donc en Europe, qui mènerait à une nation ethniquement pure en cas d’indépendance. Les liaisons téléphoniques et par autocars publics n’existent pas entre Pristina et les enclaves serbes. Les services postaux et de reversement de pensions ne fonctionnent pas entre la Serbie centrale et le Kosovo. Aucun échange en devises ou aucune transaction bancaire ne peut se faire entre Serbie et Kosovo, qui en est toujours une province selon la résolution 1244. Les Serbes doivent envoyer à leurs risques leurs femmes enfanter dans des hôpitaux déjà monoethniques de Mitrovica ou Gracanica. Leurs autocars qui rejoignent le cœur de la Serbie n’ont pas le droit de stationner aux gares routières albanaises, comme à Gnjilane, et s’arrêtent aux sorties des villes pour que s’y engouffrent, en catimini, leurs ressortissants. La pression immobilière, doublée de menaces répétées, force les Goranis à l’exil. L’Europe ne peut accepter qu’en son cœur survive un système où plusieurs peuples vivent dans l’hostilité et la peur, dans les derniers ghettos d’Europe.




6- Mais c’est sur le plan culturel que l’hyper-nationalisme albanais est le plus développé. Depuis 1999, les écoles sont souvent partagées en deux, avec des classes et des professeurs pour les enfants albanais, et des classes et des professeurs pour les enfants serbes. Le Ministère de l’Education de Pristina a imposé en 2006 l’albanisation des cours dans le primaire, ce qui implique la suppression des cours dans les langues serbe, rom ou turque. Aux alentours de Dragas , les Goranis ont dû, afin de résister à l’albanisation de leurs programmes scolaires, créer une école privée où l’enseignement ne suit pas les programmes d’histoire dictés par Pristina, mais se fait, comme avant 1999, autour du respect de la culture gorani . A Pristina, plus aucun cours à l’Université ne se fait en serbe ou en turc : les étudiants serbes sont allés se réfugier à Mitrovica, alors que les Turcs partent étudier en Bosnie ou en Turquie. Les noms serbe, rom ou bosniaque sont systématiquement rebaptisés en albanais par les Institutions Provisoires de Pristina. Ainsi la ville serbe d’Urosevac a été rebaptisée Ferizaj ; Dragas, ville historique des Goranis, est devenue Sharri. Enfin, sur les 120 000 Roms encore restés sur place, 40 000 ont vu leurs noms rebaptisés en albanais, comme aux heures les plus sombres du XX° siècle. L’indépendance du Kosovo cautionnerait pour la première fois une politique culturelle fondée sur l’effacement des autres cultures, digne du régime national-socialiste d’Hitler. Contrairement au système de garantie des droits des minorités qui a toujours existé depuis l’époque ottomane, le processus d’indépendance consoliderait un monoculturalisme exclusiviste, précédent dangereux pour les voisins balkaniques, nations toutes fondées sur la coexistence de communautés très diverses. La communauté internationale accepterait-elle une « Roumanie aux Roumains », ou une « Hongrie aux Hongrois » ; pourquoi est-elle donc en passe de le faire pour un « Kosovo aux Albanais »?

7- L’indépendance du Kosovo entraînerait assurément une déstabilisation de toute la région. Déjà, dans le couloir stratégique du Sandjak reliant le Kosovo à la Bosnie, des groupes wahhabites sont passés à l’action en créant des camps d’entraînement militaire autour de Novi Pazar. A la confluence de la Serbie, de la


Macédoine et de la Bulgarie, dans la vallée de Presevo, les dirigeants albanais ont proclamé qu’en cas de partition du Kosovo, ils se scinderaient automatiquement de la Serbie pour se rattacher au nouvel Etat kosovar. Les Serbes de Bosnie pourraient dès lors automatiquement demander leur indépendance et les Albanais de Macédoine et du Monténégro demander légitimement leur scission de ces deux pays pourtant récents et en pleine transition politique. En Europe centrale, la forte minorité hongroise, disposant déjà d’une large autonomie en Roumanie et en Slovaquie, pourrait passer à un mouvement sécessionniste. Enfin sur ses confins, la Russie demanderait la scission de l’Abhazie et de l’Ossétie du sud, ce qui déstabiliserait fortement la Géorgie ; sans penser aux éventuelles séparations de la Crimée et de la Moldavie respectivement d’Ukraine et de Transnistrie.

Or cette boîte de Pandore ouverte en Europe orientale pourrait provoquer une déflagration en Europe de l’Ouest. Les Catalans et les Basques, dotés eux aussi d’une large autonomie dans leurs provinces, pourraient passer au stade supérieur et se séparer de l’Espagne. En Belgique, l’unitarisme déjà fortement mis à mal pourrait être balayé par la scission des Flamands. En France, la question corse ou bretonne risquerait d’être ravivée.























































La répartition des communautés au Kosovo- Métochie en 2003










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www.nato.int/kfor/ : site officiel de l’OTAN.

www.unmikonline.org : site officiel de la MINUK.

www.kosovo.net : site de l’Eglise orthodoxe serbe au Kosovo, bien documenté.

www.serbia.sr.gov.yu : site du gouvernement de Serbie, assez complet.

www.collectif-kosovo.com: site du Collectif Citoyen pour la Paix au Kosovo-Métochie



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